Accueil · Fiscalité · Impôt des sociétés · FAQ sur les intérêts notionnels FAQ sur les intérêts notionnels
Que sont
les intérêts notionnels ? Combien coûtent-ils ? Créent-ils de l'emploi ? Vingt
questions-réponses sur cet étonnant cadeau fiscal offert aux sociétés.
1.
C’est quoi, les intérêts notionnels ?
2.
Comment sont calculés les intérêts notionnels ?
3. Que
se passe-t-il si les intérêts notionnels dépassent le bénéfice imposable ?
4.
Qu’entend-on par « fonds propres corrigés » ?
5. Depuis
quand sont appliqués les intérêts notionnels
?
6. Quels
sont les taux des intérêts notionnels ?
7. Les
intérêts notionnels existent-ils dans d’autres pays ?
8. Qui
a « inventé » les intérêts notionnels ?
9. Les
intérêts notionnels sont-ils liés aux investissements ?
10. Quelles sont
les conditions pour bénéficier des intérêts notionnels ?
11. Quel est le coût
budgétaire des intérêts notionnels ?
12. Le coût des
intérêts notionnels va-t-il augmenter à l’avenir ?
13. Quelle part des
intérêts notionnels a été aux PME ?
14. Quelles
entreprises ont le plus déduit d’intérêts notionnels en 2006 ?
15. Quel est
l’impact des intérêts notionnels sur l’économie et l’emploi ?
16. Pourquoi
peut-on dire que les intérêts notionnels ont un effet négatif sur l’emploi
?
17.
Comment certaines grandes entreprises abusent-elles des intérêts
notionnels ?
18. Quels
parlementaires ont voté la loi instaurant les intérêts notionnels ?
19. Combien coûtent
les intérêts notionnels à chaque ménage ?
20. Offrir des intérêts
notionnels aux sociétés ou augmenter le pouvoir d’achat de la population ?
1.
C’est quoi, les intérêts notionnels ?
Les
intérêts notionnels sont une déduction fiscale applicable sur l’impôt des
sociétés. Sa dénomination officielle est : « déduction pour capital à
risque ». Le terme « notionnel » signifie « relatif
à une notion, à un concept » (Le Petit Robert). Il est employé ici
parce que la déduction fiscale correspond à un intérêt purement fictif, que
la société ne paye pas réellement.
2.
Comment sont calculés les intérêts notionnels ?
La
formule est très simple :
Montant
de la déduction = fonds propres x taux des intérêts notionnels.
Le
taux des intérêts notionnels est fixé chaque année par l’Etat (il est basé
sur le taux des obligations linéaires à dix ans). En 2006, il était de 3,422
%.
Les
fonds propres, dans la comptabilité d’une entreprise, comprennent en gros le
capital (l’argent que les actionnaires fournissent à la société) et les bénéfices
accumulés par la société depuis qu’elle existe, à l’exclusion de ce qui
a été reversé aux actionnaires (dividendes).
Pour
calculer les intérêts notionnels, on prend en compte la valeur des fonds
propres l’année précédente.
Exemple
: fin 2005, une société a des fonds propres pour 100 millions d’euros. Sur
son bénéfice de 2006, elle pourra déduire 100 millions € x 3,422 % = 3,422
millions €. Admettons que son bénéfice avant impôt soit de 5 millions
d’euros. Elle ne sera pas imposée sur ces 5 millions €, mais sur 5 –
3,422 = 1,578 million €.
Le
taux de l’impôt des sociétés est de 33,99%. Sans les intérêts notionnels,
cette société aurait payé un impôt de 5 millions x 33,99% = 1.699.500 €.
Grâce aux intérêts notionnels, elle ne paye que 1,578 millions x 33,99% =
536.362 €. Trois fois moins, dans cet exemple.
3.
Que se passe-t-il si les intérêts notionnels dépassent le bénéfice
imposable ?
Reprenons
l’exemple de la question 2, mais supposons que la société a 200 millions €
de fonds propres. Elle peut donc déduire des intérêts notionnels pour 200
millions x 3,422% = 6,8 millions. Comme son bénéfice avant impôt n’est que
de 5 millions, elle ne paye pas du tout d’impôt en 2006. Et elle peut
reporter le solde (1,8 million) sur les sept années qui suivent.
4.
Qu’entend-on par « fonds propres corrigés » ?
On
a dit que les intérêts notionnels sont calculés sur les fonds propres. La loi
oblige cependant à déduire certains éléments des fonds propres avant de
calculer les intérêts notionnels. C’est pourquoi on parle de « fonds
propres corrigés ».
L’élément
le plus important à déduire est probablement les immobilisations financières,
c’est-à-dire les actions des filiales que détient une maison-mère. C’est
important car les holdings ou les sociétés ayant beaucoup de filiales ne
peuvent (théoriquement) pas bénéficier des intérêts notionnels dès que la
valeur de ces actions (dites immobilisations financières) dépasse le montant
des fonds propres.
Il
y a encore onze autres éléments qui, le cas échéant, réduisent la réduction
fiscale. Citons par exemple les actions et parts propres (lorsqu’une société
détient ses propres actions), les actions et parts émises par les sociétés
d’investissement, les subsides en capital, la valeur des biens immobiliers
dont un dirigeant de l’entreprise a l’usage… Ou, plus cocasse, «
l’actualisation des stocks des diamantaires agréés ». Une expression
sibylline pour désigner l’amnistie fiscale spécifique que Reynders a offert
aux diamantaires, en 2006, sur leurs stocks détenus en noir.
5.
Depuis quand sont appliqués les intérêts notionnels
?
La
loi créant les intérêts notionnels date du 22 juin 2005. Elle a inséré les
articles 205 bis à 205 novies dans le Code des impôts sur les revenus. Elle
s’est appliquée pour la première fois pour l’exercice d’imposition 2007,
c’est-à-dire les bénéfices de 2006.
Notons
que cette loi a été modifiée dès le 23 décembre 2005 : on a supprimé
l’interdiction pour les sociétés de distribuer aux actionnaires, dans les
trois ans, l’avantage fiscal découlant des intérêts notionnels.
6.
Quels sont les taux des intérêts notionnels
?
Exercice
2007 (bénéfices 2006) : 3,442% (3,942% pour les PME)
Exercice
2008 (bénéfices 2007) : 3,781% (4,281% pour les PME)
Exercice
2009 (bénéfices 2008) : 4,307% (4,807% pour les PME)
7.
Les intérêts notionnels existent-ils dans d’autres pays ?
Non.
La Belgique est le seul pays appliquant une telle mesure sans restriction pour
toutes les sociétés et sur l’ensemble de leurs fonds propres. En Irlande, au
Luxembourg et en Suisse, certaines catégories de sociétés bénéficient d'un
régime fiscal comparable.
Dans
le passé, une déduction similaire a été appliquée en Croatie, au Brésil,
en Nouvelle-Zélande, en Autriche et en italie, mais souvent avec certaines
restrictions. Par exemple : les intérêts notionnels étaient calculés sur
l’augmentation des fonds propres et non sur l’ensemble des fonds propres.
8.
Qui a « inventé » les intérêts notionnels ?
Le
père politique est sans conteste le libéral Didier Reynders, ministre des
Finances, qui a fait voter le projet de loi au Parlement. Qui lui a soufflé
l’idée ? Les sources divergent mais concordent pour situer le père spirituel
dans les milieux patronaux. Le plus souvent cité est Bruno Colmant, professeur
d’université et actuel président de la Bourse de Bruxelles, anciennement
administrateur délégué de la banque ING et éphémère chef de cabinet de
Reynders. Colmant indique que la concrétisation du mécanisme dans une loi est
l’œuvre de Michel Alloo, fiscaliste de la fédération patronale FEB.
9.
Les intérêts notionnels sont-ils liés aux investissements ?
Contrairement
à ce qu’on entend souvent dans les médias ou ce qu’on peut lire sur le
site internet du ministre Reynders, les intérêts notionnels ne sont pas liés
aux investissements. Une société qui peut déduire des intérêts notionnels même
si elle n’a pas effectué le moindre investissement depuis plusieurs années
et qu’elle ne compte pas le faire dans les années qui viennent.
10.
Quelles sont les conditions pour bénéficier des intérêts notionnels ?
Aucune.
La déduction est inconditionnelle. Une société qui n’investit pas et ne crée
pas d’emploi, voire qui licencie massivement, peut déduire des intérêts
notionnels. En effet, ceux-ci sont calculés sur les fonds propres accumulés
par la société depuis qu’elle existe.
A
plusieurs reprises, notamment lors d’interpellations parlementaires, le
ministre Reynders a indiqué qu’il refusait de conditionner l’octroi des intérêts
notionnels à la création ou au maintien de l’emploi.
NB
: les seuls cas où la déduction est impossible, c’est si la société est en
perte (auquel cas elle ne paye de toute façon pas d’impôts) ou si les fonds
propres (corrigés) sont négatifs. Par exemple si la société est très endettée.
Ou si elle possède un gros paquet d’actions de filiales dont la valeur dépasse
celle des fonds propres (voir question 4).
11.
Quel est le coût budgétaire des intérêts notionnels ?
Selon
un rapport de la Banque nationale (juillet 2008), le coût des intérêts
notionnels pour la première année (2006) est de 2,3 milliards €. Selon un
rapport du SPF Finances (août 2008), les sociétés ont déduit quelque 6
milliards € d’intérêts notionnels. En appliquant à ce montant le taux de
l’impôt des sociétés (33,99 %), on arrive à un ordre de grandeur de 2
milliards €.
Ces
deux rapports présentent ce coût comme un « coût brut » et tentent de
calculer un « coût net » en appliquant une série de calculs dont les
fondements sont loin d’être incontestables (voir notre article).
Le rapport de la BNB arrive ainsi à un « coût net » se situant entre 140 et
430 millions €. Le rapport du SPF Finances évoque lui un coût net de 1,2
milliard €. Un précédent rapport du SPF Finances (mars 2008) évoquait un
coût net de 763 millions €. Des discordances qui confirment que la notion de
coût net n'est pas... nette.
12.
Le coût des intérêts notionnels va-t-il augmenter à l’avenir ?
L’étude
de la Banque nationale (juillet 2008) note que « l’avantage fiscal dont bénéficient
les sociétés pourrait encore nettement se renforcer dans les prochaines années
du fait de plusieurs évolutions ». Et de citer : l’augmentation continue des
fonds propres ; la suppression de l’ensemble des centres de coordination pour
fin 2010 ; l’augmentation du taux des intérêts notionnels (de 3,4 % en 2006
à 4,3 en 2008) ; la possibilité pour les sociétés de déduire durant sept
années les intérêts notionnels qu’elles n’auraient pu déduire par manque
de bénéfices taxables.
«
Le poids de plusieurs de ces facteurs pourraient s’avérer considérable,
conclut la Banque nationale. Il n’est dès lors pas exclu que les recettes
publiques provenant de l’impôt des sociétés en pâtissent largement à
l’avenir ».
13.
Quelle part des intérêts notionnels a été aux PME ?
Quelque
97 % des sociétés belges sont des petites et moyennes entreprises (PME). Et
parmi les divers alibis avancés pour vendre les intérêts notionnels, il était
question d’améliorer la santé financière des PME. Or, la Banque nationale
indique qu’elles n’ont droit qu’à 21 % de la manne des intérêts
notionnels.
Par
contre, les centres de coordination (qui recourent aux intérêts notionnels
plutôt qu’au régime fiscal des centres de coordination) et les sociétés de
financement totalisent à elles seuls 41 % de la manne. Ces sociétés de
financement fonctionnent selon le même principe que les centres de coordination
: c’est une filiale d’un groupe d’entreprise qui joue le rôle de banque
envers les autres filiales du groupe. Telle la société Randstad Financial
Services que le groupe néerlandais d’intérim a créée en Belgique en 2006
et qui a déduit 26 millions € d’intérêts notionnels sur un bénéfice de
26 millions € tout en créant magistralement… deux équivalents temps plein.
Répartition
des intérêts notionnels par type de sociétés (source : BNB)
PME
|
21 %
|
Grandes entreprises non financières
|
32 %
|
Banques et compagnies d'assurances
|
6 %
|
Sociétés de financement
|
26 %
|
Centres de coordination
|
15 %
|
TOTAL
|
100 %
|
14.
Quelles entreprises ont le plus déduit d’intérêts notionnels en 2006
?
Une
étude du SPF Finances (août 2008) indique que 157 605 sociétés belges ont déduit
en tout 6 milliards € d’intérêts notionnels sur leurs résultats de 2006.
Mais 37 % de ce montant a été englouti par…
25 grandes entreprises.
Evidemment,
les noms de ce top-25 ne sont pas dévoilés. Et la transparence n’est pas la
vertu première des entreprises en ce domaine. Nous avons cependant retrouvé
les sociétés suivantes (sachant que les heureux 25 ont déduit en moyenne 89
millions €, nous avons cherché des montants tournant autour de cet ordre de
grandeur).
Euroclear
|
37 millions €
|
Electrabel-Suez (montage fiscal via sa filiale EEI)
|
67 millions €
|
Centre de coordination de Solvay
|
120 millions €
|
ING
|
123 millions €
|
Fortis (montage fiscal via sa filiale FFB)
|
224 millions €
|
Centre de coordination de Total
|
252 millions €
|
Centre de coordination de BASF
|
295 millions €
|
15.
Quel est l’impact des intérêts notionnels sur l’économie et
l’emploi ?
Selon
Roland Rosoux, directeur de l’administration fiscale et expert-conseiller au
cabinet du ministre des Finances, « chiffrer le
nombre d’emplois créés par la mesure, c’est un travail de bénédictin. Et
comment savoir si les embauches découlent directement de l’avantage fiscal ?
C’est impossible. »
Dans
son rapport de juillet 2008, la Banque nationale estime qu’à court terme,
l’impact des intérêts notionnels sur l’économie réelle est limité. Se
basant sur une modélisation théorique qui vaut ce qu’elle vaut, le rapport
avance que la mesure « semble avoir un effet positif, mais d’importance
marginale, sur l’emploi ». Pour l’année 2006, le rapport cite ainsi un
chiffre de… 300 emplois.
Dans
notre ouvrage Le Frankenstein fiscal du Dr Reynders (Aden, 208), nous avons épluché les comptes annuels 2006 des 126 sociétés
belges comptant plus de mille travailleurs. Parmi celles-ci, 24 mentionnent dans
leurs annexes le montant de la déduction d’intérêts notionnels. Au total,
ces 24 entreprises ont déduit quelque 159 millions d’euros d’intérêts
notionnels alors que leurs effectifs globaux ont diminué de 1.102 équivalents
temps-plein de 2005 à 2006.
Intérêts
notionnels déduits et évolution de l’emploi (2006)
Euroclear
Bank SA
|
-36.869.000 €
|
+162,2 équivalents
temps-plein
|
La Poste
|
-24.877.000 €
|
-790,6 équivalents
temps-plein
|
Telenet
|
-19.700.000 €
|
+199,3 équivalents
temps-plein
|
Belgacom Mobile
|
-17.752.917 €
|
-83,1 équivalents
temps-plein
|
Brico Belgium
|
-9.802.851 €
|
+76,8 équivalents
temps-plein
|
Volvo Cars
|
-8.165.000 €
|
-150,6 équivalents
temps-plein
|
Lanxess
|
-6.173.000 €
|
-10,9 équivalents
temps-plein
|
Techspace Aero
|
-5.781.000 €
|
+82,3 équivalents
temps-plein
|
AXA Banque SA
|
-4.822.000 €
|
-29,8 équivalents
temps-plein
|
Degussa Antwerpen
|
-3.763.616 €
|
-10,5 équivalents
temps-plein
|
General Biscuits Belgique
|
-3.754.713 €
|
-126,6 équivalents
temps-plein
|
Caterpillar Belgium
|
-3.402.428 €
|
+6,0 équivalents
temps-plein
|
Sonaca
|
-3.195.428 €
|
-102,8 équivalents
temps-plein
|
Kraft Foods Belgium
|
-3.169.442 €
|
-96,5 équivalents
temps-plein
|
VRT
|
-2.632.561 €
|
+45,5 équivalents
temps-plein
|
Cora
|
-1.588.000 €
|
-37,8 équivalents
temps-plein
|
European Air Transport
|
-1.279.607 €
|
-22,9 équivalents
temps-plein
|
Volkswagen Bruxelles
|
-700.000 €
|
-266,8 équivalents
temps-plein
|
FlightCare
|
-625.884 €
|
+6,9 équivalents
temps-plein
|
Banksys
|
-513.000 €
|
-17,6 équivalents
temps-plein
|
Securitas
|
-332.837 €
|
+133,0 équivalents
temps-plein
|
DHL Aviation
|
-269.940 €
|
+36,0 équivalents
temps-plein
|
Seris Security
|
-208.525 €
|
-109,7 équivalents
temps-plein
|
Tenneco Automotive Europe
|
-40.674 €
|
+6,4 équivalents
temps-plein
|
TOTAL
|
-159.419.423 €
|
-1.101,8 équivalents temps-plein)
|
16.
Pourquoi peut-on dire que les intérêts notionnels ont un effet négatif
sur l’emploi ?
Les
rapports de la Banque nationale et du SPF Finances distinguent le coût brut du
coût net des intérêts notionnels. On se demande pourquoi ils ne font pas la même
chose pour l’impact sur l’emploi. En clair : si le budget des intérêts
notionnels avait été utilisé pour doper le pouvoir d’achat, cela aurait
booster la demande et donc l’emploi.
Imaginons
– pure hypothèse – que cela ait créé 30.000 emplois. Lorsque la Banque
nationale indique que les intérêts notionnels ont créé 300 emplois, elle
devrait préciser qu’il s’agit de la création brute d’emplois. Tandis que
les intérêts notionnels sont responsables de la perte nette de 30.000 – 300
= 29.700 emplois.
17.
Comment certaines grandes entreprises abusent-elles des intérêts
notionnels ?
Des
grandes sociétés comme Electrabel ou Fortis ont créé des montages fiscaux
pour contourner la loi (tout en restant dans la légalité) afin d’abuser des
intérêts notionnels. Comment ? Voici le montage d’Electrabel.
Le
19 avril 2006, CEDEE, une filiale d’Electrabel, est rebaptisée Energy Europe
Invest (EEI). Afin, lit-on dans le rapport annuel, de « jouer un rôle actif
dans les opérations financières du groupe en Belgique. » Le 18 mai,
Electrabel injecte 3,2 milliards d’euros dans le capital de EEI. Le même
jour, cette dernière utilise l’argent en octroyant divers prêts à
Suez-Tractebel, qui n’est autre que la maison-mère… d’Electrabel.
Vous
voyez le topo : maman donne un gros billet à sa fi-fille qui le refile illico
à sa grand-mère. Le 22 septembre, nouvelle augmentation de capital pour 146
millions. Au total, le capital d’EEI est passé de 51 millions à près de 3,5
milliards.
Mais
la petite-fille fait payer des intérêts à sa grand-mère : 87 millions
d’euros de charges financières qui réduisent d’autant le bénéfice
imposable de Suez-Tractebel. Ils viennent aussi augmenter le bénéfice d’EEI,
bien sûr. Seulement, EEI dispose désormais d’un immense capital.
Or,
les intérêts notionnels sont calculés sur base des fonds propres, dont fait
partie le capital. La société déduit ainsi 67 millions d’intérêts
notionnels, ainsi que 20 millions de pertes des exercices antérieurs. Ce qui
fait qu’elle ne payera pas le moindre impôt pour 2006.
Ce
genre de montage est décrit noir sur blanc dans l’ouvrage publié en 2006 par
les fiscalistes Bruno Colmant, Pascal Minne et Thierry Vanwelkenhuyzen (Les
intérêts notionnels, éditions Larcier). Un ouvrage préfacé par…
Didier Reynders.
18.
Quels parlementaires ont voté la loi instaurant les intérêts
notionnels ?
La
loi du 22 juin 2005 instaurant la déduction pour capital à risque (intérêts
notionnels) a été votée à la Chambre le 2 juin et publiée au Moniteur le 30
juin. Le projet de loi n’a pas été évoqué au Sénat. Le résultat du vote
à la Chambre est de 79 oui (majorité libérale-socialiste), 4 non et 38
abstentions.
Ont
voté pour :
Anthuenis,
Avontroodt, Bacquelaine, Belhouari, Bellot, Bex, Bonte, Borginon, Boukourna,
Burgeon, Cahay-André, Casaer, Cavdarli, Chabot, Chastel, Chevalier, Collard,
Cortois, Courtois, Daems, De Block, DeBue, De Clercq, de Donnea, Delizée,
Denis, Déom, De Permentier, Detiège, Dierickx, Dieu, Douifi, Ducarme Denis,
Galant, Giet, Goris, Gustin, Hasquin, Henry, Hove, Lahaye-Battheu, Lalieux,
Lambert, Geert, Lambert Marie-Claire, Lejeune, Lenssen, Libert, Maene,
Malmendier, Marghem, Marinower, Massin, Mathot, Mayeur, Meeus, Michel, Monfils,
Moriau, Muls, Pécriaux, Perpète, Pinxten, Roppe, Storms, Swennen, Taelman,
Tilmans, Tommelein, T'Sijen, Turtelboom, Van Biesen, Van Campenhout, Van der
Maelen, Van Gool, Van Grootenbrulle, Van Lombeek-Jacobs, Vautmans, Verhaert,
Versnick.
Ont
voté contre :
Genot,
Gerkens, Nagy, Nollet.
Se
sont abstenu :
Annemans,
Bogaert, Claes Dirk, Cocriamont, Creyf, De Groote, De Man, Depoortere, Deseyn,
Devlies, D'haeseleer, D'hondt, Drèze, Goutry, Govaerts, Goyvaerts,
Kelchtermans, Laeremans, Lanjri, Lavaux, Milquet, Mortelmans, Muylle, Neel,
Schoofs, Schryvers, Sevenhans, Tastenhoye, Van den Bergh, Van den Eynde, Van der
Auwera, Vandeurzen, Van Parys, Van Rompuy, Van Themsche, Verhaegen,
Verherstraeten, Viseur.
19.
Combien coûtent les intérêts notionnels à chaque ménage ?
Sachant
qu’il y a quelque 4 millions de ménages en Belgique, les intérêts
notionnels représentent un coût moyen d’environ 600 euros par ménage. Que
les ménages payent par des augmentations d’autres taxes (par exemple
l’augmentation des recettes TVA suite à l’augmentation du prix de l’énergie)
et par la diminution des dépenses sociales de l’Etat.
20.
Offrir des intérêts notionnels aux sociétés ou augmenter le pouvoir
d’achat de la population ?
Offrir
un gros cadeau fiscal aux sociétés (dont les bénéfices ont fortement augmenté
ces dernières années) sur des intérêts fictifs ou répondre aux besoins réels
de la population en termes de pouvoir d’achat : tel est le choix politique à
faire. Le gouvernement l’a fait.
A
titre d’exemple, voici ce qu’il y a aurait moyen de faire avec un budget des
intérêts notionnels :
-
Faire
passer à 6% la TVA sur le gaz-électricité, au lieu de 21 % (coût : 0,8
milliard €)
- Augmenter de 100 €/mois un demi-million de pensionnés (coût : 0,6 milliard
€)
- Construire 10.000 logements sociaux (coût : 1 milliard €)
= Total : 2,4 milliards
|