Accueil · Finance · Fortis : voici pourquoi Reynders doit démissionner Fortis : voici pourquoi Reynders doit démissionner
L’affaire
Fortis a entraîné la démission du Premier ministre Leterme et du ministre de
la Justice Vandeurzen. Mais celui qui au gouvernement porte probablement le plus
de responsabilités, le ministre des Finances, reste en place et propose même
de nouvelles aides aux banques. Didier Reynders démission? Voici
pourquoi…
La descente aux enfers de Fortis
Les beaux
morceaux de Fortis offerts à BNP Paribas
Pressions sur la justice (en 1re instance)
Pressions sur la justice (en appel)
La
descente aux enfers de Fortis
Le
ciel nous tombe sur la tête le week-end des 27 et 28 septembre 2008. Le groupe
Fortis a besoin de 30 milliards d’euros et 10 milliards de dollars pour le
lundi, sinon c’est la faillite. Pourtant, le week-end précédent, le président
de la Commission bancaire (CBFA), Jean-Paul Servais, déclare sur les plateaux
de la RTBF que les banques belges n'ont « aucun problème de solvabilité,
ni de liquidité ». Et le ministre Reynders, prophétique, va jusqu’à
comparer le risque de faillite d'une banque belge à « celui que le ciel
nous tombe sur la tête ».
A-t-on
mal jugé la situation réelle de Fortis? En réalité, les dirigeants du
groupe mentent alors depuis au moins un an. En septembre 2007, tandis qu’ils
lancent une gigantesque augmentation de capital (13 milliards €) pour racheter
la banque néerlandaise ABN Amro, ils affirment que Fortis n’est pas exposé
aux subprimes. Or, un document confidentiel présenté au comité exécutif du
28 août indique, noir sur blanc, que la banque détient pour 8,6 milliards de
titres liés aux subprimes. Et la descente aux enfers de Fortis est précisément
due à la conjonction de ces deux éléments: le rachat indigeste d’ABN
Amro et l’exposition aux subprimes.
Coupables,
les dirigeants de Fortis? C’est manifeste. Mais quelle est la
responsabilité des autorités publiques? Le secteur bancaire est
tellement vital dans l’économie d’un pays qu’il fait légalement
l’objet d’un contrôle public, nommé «contrôle prudentiel».
Et quel ministre est responsable du secteur financier? Le ministre des
Finances, bien sûr.
D’autant
que Reynders a placé ses anciens chefs de cabinet aux postes clés du contrôle
des banques. Jean-Paul Servais comme président de la CBFA, un organisme qui a
des pouvoirs d’investigation et de sanctions (amendes administratives et
astreintes). Peter Praet comme directeur à la Banque nationale (responsable de
la stabilité financière) et directeur à la même CBFA (responsable de la
politique prudentielle). Sans parler de Bruno Colmant, président de la Bourse
de Bruxelles et, à ce titre, chargé d’empêcher les manipulations comme
celles de Fortis vis-à-vis de ses actionnaires.
Pourquoi les contrôleurs n’ont-ils pas contrôlé? «Le
contrôle de la CBFA est aujourd’hui clairement remis en question», estime
le professeur Robert Wtterwulghe (UCL).«Elle laisse passer sans
le savoir des énormités. Je m’interroge clairement sur son utilité[i].»
Il ajoute que la réforme de la CBFA en 2002 «s’est accompagnée
d’une politisation qui s’est fortement accrue au cours des dernières années.»
Suivez notre regard…
à
vrai dire, lorsque Fortis plonge, le Comité de stabilité financière de la
Banque nationale surveille de près la solvabilité de Fortis depuis un an. Et
la CBFA va attirer plusieurs fois l’attention des dirigeants de la banque à
ce propos. Mais il suffit que ceux-ci prétendent que tout baigne (ils
affirment, notamment, qu’ils ont déjà 21 des 24 milliards nécessaires au
rachat d’ABN Amro) pour que les contrôleurs se rendorment.
Rencontre
discrète dans les salons de l’hôtel Conrad
Quelque part, c’est pire que s’ils n’avaient rien vu. Pourquoi
referment-ils les yeux? Il faut se rappeler que Reynders est, idéologiquement
et relationnellement, le ministre de la finance. Depuis des années,
chaque fois que le secteur bancaire est égratigné dans les médias ou au
Parlement, un homme politique sort du bois pour dire tout le bien qu’il pense
de ce secteur: Didier Reynders.
Il ne se contente pas de discours. Le ministre a offert aux banques les
intérêts notionnels (elles n’avaient pas droit aux centres de coordination,
que cette disposition remplace). Il a même validé leurs montages fiscaux en
matière d’intérêts notionnels (222 millions € pour Fortis en 2006). Il a
observé une passivité militante face à la prescription qui menaçait les
grands dossiers de fraude impliquant les banques (KB-Lux, QFIE). Il a vendu des
bâtiments de l’Etat à des filiales immobilières des banques, dont Fortis.
Il a conforté le secret bancaire en allant jusqu’à nier son existence. Il a
fait le mort quand il a été interpellé au Parlement sur les nombreuses
filiales de Fortis dans des paradis fiscaux. Etc.
Il faut dire que Reynders a lui-même naguère travaillé pour une
banque, présidant de 1992 à 1999 le conseil d’administration de la SEFB
(aujourd’hui Record Bank, filiale d’ING). Comme ses anciens chefs cab
Colmant (chez ING) et Praet (chez… Fortis).
C’est aussi un proche de la plupart des dirigeants des grands groupes
financiers du pays, y compris l’ex-président et fondateur de Fortis, Maurice
Lippens. Selon un de nos informateurs, le ministre et le comte, accompagné du
gratin de Fortis, se seraient discrètement rencontrés dans un salon de l’hôtel
Conrad, à Bruxelles, un mois à peine avant le sauvetage de la banque par
l’Etat. Objet de la rencontre: la santé financière du groupe, bien sûr.
Que Lippens fasse avaler des couleuvres à ses amis et cousins
actionnaires historiques de la Générale ou des AG (ancêtres de Fortis),
c’est leur problème. Il en va autrement dès lors que c’est un ministre et
ses adjoints – fussent-ils proches du comte en banque– qui gobent les
serpents à sornette d’un capitaliste convaincu de son triomphe.
On a vu des ministres démissionner parce que le
bandit Marc Dutroux s’était évadé. Et quand le bandit Maurice Lippens
provoque une débâcle bancaire qui coûte des milliards d’euros aux
contribuables, que fait le ministre des Finances?
Les
beaux morceaux à BNP Paribas
Imaginez:
on abat le pitbull que vous aviez offert à votre enfant parce qu’il lui a
arraché la main et l’avant-bras. Que faites-vous? Vous lui offrez un
nouveau pitbull pour le consoler? Pas sûr…
Reynders,
lui, n’hésite pas. Fortis a sombré à cause de la soif de profits de
banquiers voulant en manger d’autres, malgré le contexte de crise financière.
Pourtant, une semaine à peine après avoir sauvéle groupe avec
l’argent de sescontribuables, le ministre des Finances l’offre à un
autre groupe bancaire privé (donc) assoiffé de profits: BNP-Paribas.
Avec la circonstance aggravante que, cette fois, la tempête financière n’est
plus en vue: on est en plein dedans (ce que confirmeront les aides de
l’Etat français à BNP-Paribas).
Pas
Reynders tout seul, bien sûr. Leterme est sur la même longueur d’onde. Et
tout le gouvernement suit, les yeux fermés. Mais c’est l’ami des banquiers,
épaulé par ses fidèles lieutenants, qui mène la danse. Ainsi, le dimanche 28
septembre, quand le Premier ministre rejoint Reynders à son cabinet, on y dénombre
pas moins de quatre chefs cab de ce dernier. L’actuel, Olivier Henin, et trois
anciens: Peter Praet et Jean-Paul Servais, que nous avons déjà présentés,
et Koen Van Loo, que le ministre a fait nommé administrateur délégué de la
SFPI (Société fédérale de participation et d'investissement) – dont Henin
est vice-président.
Dans
l’équipe qui se met en place pour gérer le sort de Fortis, on trouve également
Pierre Wunch, chef cab «Finances» de Reynders (Henin étant chef
cab «Vice-Premier»). «J’avais l’impression qu’il
fallait être bleu pour en être», confiera un non-libéral à La
Libre Belgique.
La
SFPI va jouer un rôle central dans la cession de Fortis et sa saga judiciaire.
C’est elle gère qui les participations de l’Etat. Une machine à privatiser
les profits et nationaliser les pertes. Elle découle d’ailleurs
historiquement de la CGER-Holding. Mais oui, du nom de cette banque publique
privatisée au profit de Fortis.
Singulier
retour des choses puisque cette SFPI va racheter 49,9% (le week-end du
28-29 septembre) puis 99% (le week-end suivant) de Fortis Banque pour les
offrir aussitôt à BNP Paribas à un prix qui ravit son patron, Baudouin Prot
(selon les spécialistes, les activités achetées valent 70% de plus que
le prix convenu). Comme BNP-Paribas obtient aussi Fortis Assurances et que les
Pays-Bas ont déjà puisé dans le groupe ce qui les intéressait (en grugeant
les négociateurs belges), que reste-t-il au sein du holding Fortis?
Pratiquement rien, sinon… 66% des actifs toxiques. Les actions des plus de
500000 actionnaires ne représentent désormais un titre de propriété
que sur cette poubelle…
Coup de fil à Albert Frère pour…
avoir son avis
Dès
le premier week-end, Reynders veut céder Fortis à ING ou BNP-Paribas (étrangement,
elles seules et la Société Générale sont en lice). Pourquoi? Ici
encore, pour des raisons idéologiques et relationnelles.
Idéologiques?
Le ministre proclame le dogme que l’Etat n’a vocation à diriger une banque
- même si le libéral Frère Orban a créé une CGER qui a vécu 130 ans.
Relationnelles?
ING, c’est le groupe dirigé par son ami Michel Tilmant. Reynders a
d’ailleurs naguère présidé la banque SEFB (Record bank) absorbée par ING.
Quant à Baudouin Prot, directeur-général de BNP-Paribas, c’est un proche
d’un capitaliste qu’il vénère: Albert Frère. Vous savez, celui qui
l’avait invité à sa villa de Marrakech lorsque le ministre et son épouse étaient
en voyage au Maroc. Frère est un allié historique de Paribas, groupe qu’il a
aidé à échapper aux nationalisations françaises des années 80 et qui détient
toujours 43% du holding Erbe, dont le Carolo possède 53%.
Troublant:
dès le début du sauvetage de Fortis, Reynders aurait téléphoné à Albert Frère
pour… avoir son avis. Est-ce ainsi que BNP-Paribas est entré dans la danse?
Et lorsque le deal entre l’Etat belge et BNP-Paribas est conclu, Frère
s’empresse de féliciter Leterme et Reynders pour cette «bonne opération» et, avec
un art tout relatif du calembour, il «salue aussi [son] ami Baudouin
qui est un vrai "pro"».
Le
second week-end, alors que les propres difficultés d’ING lui font lâcher le
morceau et que Fortis n’est pas sorti de la tourmente, le ministre des
Finances parvient à imposer à ses partenaires la vente à Paribas. Le seul à
vraiment s’y opposer, c’est le libéral flamand Karel De Gucht. Sans doute
moins pour des raisons politiques que parce que… sa famille possède un paquet
d’actions Fortis.
La
vente à Paribas est la seule solution, affirme Reynders. Il a dépouillé les
petits actionnaires, mais prétend que c’est pour le bien des déposants et du
personnel. Or, beaucoup d’actionnaires sont aussi déposants et beaucoup
d’employés Fortis sont actionnaires. Sans compter que BNP-Paribas envisage
pour 500 millions d’euros de synergies annuelles. Soit 5000 à 9000
pertes d’emploi.
On
peut concevoir qu’un Etat nationalise une banque courant à la faillite et que
les actionnaires perdent des plumes dans l’opération. Mais dépouiller des
actionnaires pour offrir le butin à d’autres actionnaires privés, c’est du
vol caractérisé.
C’est
aussi une opération illégale, ce qu’ont montré le substitut Dhayer en première
instance du procès Fortis puis l’arrêt de la Cour d’appel: le
gouvernement n’avait pas le droit de négocier à la place du conseil
d’administration de Fortis, il n’avait aucun mandat pour cela, il s’est
rendu coupable de «voies de fait», il a foulé aux pieds la loi et
les statuts du groupe bancaire, il a spolié les actionnaires et bafoué leurs
droits...
À
elle seule, cette obstination à offrir illégalement un inespéré cadeau à
BNP-Paribas aux frais des contribuables et des actionnaires met sérieusement en
cause les ministres responsables. Et c’est sans compter avec les pressions sur
la justice qui allaient suivre...
Pressions sur la justice
(1re instance)
La
suspension de la vente de Fortis à BNP-Paribas relève du «science-fiction».
C’est ce que déclare Baudouin Prot, PDG du groupe français, quelques jours
avant que la Cour d’appel de Bruxelles se prononce. Pourquoi est-il si sûr?
Parce que l’opération a l’appui du gouvernement belge. Fait-il si peu de
cas du sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs? Il ne sera pas
le seul…
Les
avocats des actionnaires de Fortis ont introduit une action en référé
(urgence) pour bloquer la vente au groupe français. Le 18 novembre 2008, en
première instance, la présidente du Tribunal de commerce de Bruxelles les déboute.
Pas sur base de la loi ou des statuts de la société: elle reprend
simplement l’argumentation gouvernementale et juge que la cession de Fortis
Banque à BNP-Paribas est «le garant unique de sa survie». Depuis
quand l’intérêt économique (de qui?) l’emporte-t-il sur le droit?
Il
faut dire que cette magistrate, pas spécialement réputée pour sa force de
caractère, a dû être très impressionnée par le matraquage médiatique de
Leterme et Reynders: si l’option BNP-Paribas ne passe pas, l’Etat
retirera son apport financier et ce sera la faillite. Une première pression sur
la justice, qui a visiblement marché.
Certains
s’interrogent aussi sur la présence aux audiences de Christian Van
Buggenhout, l’ancien curateur de la Sabena, et croient savoir que, fort de son
aura, il aurait été trouver la présidente pour lui dire la catastrophe
qu’elle provoquerait en ne suivant pas la voie tracée par le gouvernement[ii].
Or, Van Buggenhout est par ailleurs l’avocat du ministre Reynders dans une
procédure connexe qu’il a lancée contre Mischaël Modrikamen, un des avocats
des actionnaires de Fortis.
Au
cours du procès, le substitut du procureur, Paul D’haeyer, prend une tout
autre position. À l’audience du 6 novembre, il soutient que le gouvernement a
violé la loi et les statuts de Fortis. Mais avant l’audience, il reçoit un
coup de téléphone de Pim Vanwalleghem, un collègue détaché au cabinet
d’Yves Leterme. Il lui aurait notammentsoufflé: « Cher Paul,
attention, un bateau qui coule peut t’entraîner dans le naufrage… » La
pression ne va pas porter ses fruits. Au contraire, D’haeyer contacte le
cabinet du ministre de la Justice pour s’en plaindre.
Qui
a demandé à Vanwalleghem de contacter D’haeyer? Les chefs de cabinet
de Leterme et Reynders, qui avaient reçu des signaux inquiétants quant à la
position qu’allait prendre le substitut. C’est ce qui ressort texto de… la
lettre de démission que Vanwalleghem adresse au Premier ministre douze jours
plus tard.
Le
cabinet Reynders va nier avoir formulé cette demande et s’appuyer pour cela
sur le fait qu'il existe plusieurs projets de lettre de démission de l’ancien
substitut. Nous sommes prêts à parier que dans la «bonne»
version, il n’est nullement fait mention du ministre des Finances…
Pressions sur la justice
(en appel)
Leterme
a démissionné à cause de coups de canif portés dans le sacro-saint principe
de la séparation des pouvoirs. Quel rôle Reynders a-t-il joué dans cette
affaire? Un avocat des actionnaires de Fortis nous résume sa perception
des choses: «Le cabinet Leterme a obtenu des informations illégalement,
alors que le cabinet Reynders porte surtout la responsabilité du mésusage de
ces informations.»
L’affaire
Fortis est plaidée les 27 et 28 novembre 2008 devant la 18e chambre
de la Cour d’appel de Bruxelles, composée de Paul Blondeel (président),
Mireille Salmon et Christine Schurmans. Ceux-ci délibèrent le 1er décembre.
Les deux premiers perçoivent que la vente à BNP-Paribas est illégale et, de
plus, n’est pas forcément le meilleur scénario. La troisième perçoit
surtout que son mari, Jan De groof, est membre actif du CD&V, le parti du
Premier ministre.
La
magistrate, pourtant tenue au secret, souffle à son voisin d’oreiller que les
choses se présentent très mal pour le gouvernement. Et elle se fait porter pâle.
Une invention personnelle ou une stratégie concertée avec d’autres?
L’avenir le dira peut-être…
Toujours
est-il qu’elle invoque cette maladie pour ne pas signer l’arrêt de la Cour.
Un problème? Non, nous explique l’avocat précité: «On
signe tous les jours des jugements avec un juge malade. Le code judiciaire le prévoit.
Cette situation ne devient problématique qu’à partir du moment où on l’a
rend problématique.» Ce qui va se passer…
Le
jeudi 11 décembre, à la mi-journée, De Groof téléphone à Hans D’Hondt,
chef cab de Leterme, pour lui dire que le refus de signer de son épouse peut
mettre la Cour dans une situation de blocage. À 15h30, les avocats de la SFPI
se jettent dans la brèche en introduisant une requête pour rouvrir les débats,
sur base d’un élément futile qu’ils connaissaient depuis longtemps. Le but
est ailleurs: s’il y a de nouveaux éléments à examiner, cela ne peut
se faire que devant les trois mêmes magistrats. Et comme Schurmans est malade,
on pourrait devoir reporter l’affaire devant un tout autre siège.
Auprès
de qui les avocats de la SFPI prennent-ils leurs consignes? Hans D’Hont
est certes membre du conseil d’administration, mais ce n’est pas un organe
exécutif. Par contre, Reynders est le ministre de tutelle de la SFPI, tandis
que son chef cab, Olivier Henin, en est vice-président et - surtout
- que son ancien chef cab, Koen Van Loo, en est l’administrateur délégué.
C’est-à-dire celui qui «assure la gestion journalière de la société»
(article 22 des statuts). L’équipe Reynders est donc clairement à la manœuvre.
Les
avocats de la SFPI tendent un piège
Le
lendemain, on assiste d’abord à une série de manœuvres du parquet. Le
procureur général de le Court insiste auprès du premier président Delvoie
(le «chef» de Blondeel et Salmon) pour que l’affaire soit
reprise dans son intégralité avec un siège composé tout à fait différemment.
Il dit être mandaté par le ministre de la Justice, ce que celui-ci va démentir.
Si Vandeurzen dit vrai, qui a suggéré cette intervention? Leterme?
Reynders? La proximité linguistique pourrait faire pencher pour ce
dernier.
Marc
de le Court va ensuite trouver Blondeel et Salmon eux-mêmes en indiquant
qu’il va décider la réouverture des débats pour le 15 décembre. Mais
Blondeel et Salmon décident de prononcer l’arrêt le jour même. Vers 16
heures, de Le Court va à nouveau trouver Delvoie avec une (risible) plainte
pour harcèlement de Schurmans contre Blondeel et Salmon. Il menace d’en faire
mention lorsque les débats seraient rouverts, ce qui entraînerait certainement
une requête en récusation des deux magistrats.
Les
avocats de la SFPI ne restent pas non plus inactifs. Suite à leur demande de la
veille, Blondeel les a convoqués pour ce vendredi, en même temps que les
conseils de l’autre partie. Pas pour une audience, pour une simple réunion
sur la procédure, une pratique courante. Mais les avocats de la SFPI font venir
un huissier pour faire constater qu’une «audience» se tient avec
un siège incomplet.
Lorsque
Blondeel indique qu’il entend prononcer l’arrêt ce vendredi – il aurait
évoqué 16 heures puis 22 heures – les conseils de la SFPI envisagent une
nouvelle arme: une requête en récusation contre le magistrat. Quelle
convergence avec la manœuvre du Procureur général!
En
fait, ces manœuvres ont un double but. D’une part, changer le siège pour
obtenir des magistrats plus en phase avec l’argumentation gouvernementale.
Mais surtout, faire durer le procès au-delà du closing (contrat
final) avec BNP-Paribas, qui doit être signé le week-end qui suit (c’est
d’ailleurs Reynders qui a accéléré ce timing, selon Trends-Tendances).
Pourquoi? Ce procès en référé ne porte pas sur le fond. Les
avocats des actionnaires veulent empêcher que soient posés des actes qui
aggraveraient la situation de leurs clients. Et le principal acte du genre,
c’est le closing. Une fois celui-ci signé, on aurait facilement pu
dire que la procédure en référé n’avait plus d’objet (ce qui s’est
d’ailleurs passé pour les Pays-Bas) et qu’il fallait attendre une décision
sur le fond… quelques années plus tard.
Le
piège est bien tendu. Même les avocats des actionnaires présents ce vendredi
ignorent que le closing est imminent. Mais les avocats de la SFPI vont être
pris de court: Blondeel se rend dans la salle d’audience, seul (encore
une pratique courante), et y prononce l’arrêt vers 20 ou 21 heures. Les
pressions et manipulations tombent à l’eau.
Qu’en
conclure? Si du duo Leterme-Reynders, seul le premier a démissionné, la
différence tient plus dans le degré de naïveté politique que dans la part de
responsabilités. Au contraire, au départ des informations obtenues par le
cabinet du Premier ministre, c’est l’équipe Reynders-SFPI qui a
principalement été à la manœuvre. Leterme a fourni l’arme, mais Reynders a
appuyé sur la gâchette.
Marco
Van Hees
Publié dans Solidaire le 29-1-09
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