Accueil · Fiscalité · Impôt des sociétés · Non, les intérêts notionnels ne favorisent pas les investissements Non, les intérêts notionnels ne favorisent pas les investissementsLes intérêts notionnels
sont une déduction d’impôts offerte aux sociétés pour certains
investissements, affirme Reynders. Voici pourquoi c’est faux.
Les intérêts notionnels permettent « aux
entreprises de bénéficier d’une forme d’exonération fiscale
lorsqu’elles opèrent des investissements sous des conditions spécifiques »,
lit-on sur le site du ministre Reynders. Certains médias parlent aussi d’une
déduction pour les « investissements sur fonds propres ». Comme
tout le monde ne sait pas ce que sont les fonds propres, on retient que cela
favorise les investissements. Or, c’est exactement l’inverse.
En effet, pour compenser (très partiellement)
l’impact budgétaire des intérêts notionnels, le gouvernement a supprimé la
déduction pour investissements. Son principe était simple : une société
qui investissait pouvait déduire 3 % du montant des investissements de
l’année.
Les intérêts notionnels sont au contraire une déduction
sans la moindre contrepartie. Pour le comprendre, voici le cas d’une société
immobilière existant réellement. Nous l’avons seulement rebaptisée « SPRL
Didier » et avons arrondi les chiffres.
Dans la comptabilité d’une société, il y a
l’actif (ce que la société possède) et le passif (comment elle a financé
l’actif). La SPRL Didier détient un actif de 5 millions d’euros, constitué
essentiellement d’immeubles. Le passif est constitué de 2,6 millions de
dettes bancaires et de 2,4 millions de fonds propres (le capital et les bénéfices
du passé).
La SPRL Didier a réalisé un bénéfice de 150 000
euros en 2006. Mais elle n’a été imposée que sur 55 000 euros car elle
a déduit 95 000 euros d’intérêts notionnels. Pour obtenir ce montant,
on a multiplié les fonds propres (2,4 millions) par 3,942 % (le taux des
intérêts notionnels pour 2006). Cela fait donc une réduction d’impôts de
plus de 60 %.
Un « don du
ciel »
Chaque année, la SPRL Didier bénéficiera d’un
cadeau d’un montant similaire. Qu’elle investisse ou non. Reynders vous dira
que les fonds propres ont été utilisés pour financer les investissements de
la société. Mais il s’agit ici d’achats d’immeubles qui ne créent ni réelle
valeur, ni emploi. Et puis, une bonne part de ces immeubles a été acheté il y
a plus de vingt ans.
C’est que les intérêts notionnels sont calculés
chaque année sur tous les bénéfices accumulés dans la société depuis
qu’elle existe. Un non-sens économique. A tel point que le comptable de cette
société n’en revenait pas. Mais le journal De Tijd n’a-t-il pas écrit
que ces intérêts sont un « don du ciel ».
C’est aussi une déduction injuste car, selon
l’importance de leurs fonds propres, certaines entreprises ne peuvent rien déduire
du tout tandis que d’autres peuvent déduire 100 % de leurs bénéfices
et donc ne plus payer le moindre impôt.
Et puis, si le but était vraiment de favoriser
les investissements afin d’augmenter l’emploi, il existe déjà une déduction
fiscale sur le personnel supplémentaire. ça, c’est du concret : vous
augmentez l’emploi, vous obtenez une réduction d’impôts. Mais étrangement,
elle est très peu utilisée...
Marco Van Hees
Publié dans Solidaire le 30-01-2008
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