Accueil · Fiscalité · Impôt des sociétés · Le montage fiscal de Fortis Le montage fiscal de Fortis
Derrière un nom compliqué, le principe des intérêts notionnels est
relativement simple.
Derrière un nom compliqué, le principe des intérêts
notionnels est relativement simple : pour la première année (résultats de
2006), chaque société peut déduire fiscalement 3,442 % de ses fonds propres
(c’est-à-dire son capital et les bénéfices des années antérieurs qui
n’ont pas été distribués aux actionnaires).
La loi contient aussi des « mesures anti-abus », dont la
principale est d’exclure du système les sociétés holdings (une société
qui détient massivement les actions de sociétés qu’elles contrôlent). Or,
Fortis Banque contrôle des centaines de filiales, pour des milliards d’euros.
Elle ne peut donc pas bénéficier des intérêts notionnels.
À moins de concevoir un montage fiscal pour détourner la
loi. L’ouvrage Les intérêts notionnels, des professeurs Colmant,
Minne et Vanweklenhuyzen (préfacé par le ministre des Finances, Didier
Reynders), indique ainsi : « Dans la mesure où cette société holding dispose
d’actifs autres que des participations qui donneraient droit à la déduction
pour intérêts notionnels, les groupes peuvent envisager de céder ou de
filialiser lesdits actifs de manière à ce qu’ils augmentent les fonds
propres d’une autre société belge du groupe. »

L’explication n’est pas claire ? La réalité du montage
de Fortis va nous permettre de l’éclaircir. Le 9 mars 2006, Fortis Banque a
créé une nouvelle filiale, la société Fortis Finance Belgium (FFB). Elle a
injecté dans celle-ci un capital de… 8,5 milliards d’euros. Gloups. C’est
pratiquement ce que rapporte par an l’impôt de toutes les sociétés de
Belgique. Attention, ce n’est pas de l’argent frais. Fortis Banque a
simplement cédé à la nouvelle société les prêts qu’elle avait octroyés
à d’autres de ses filiales. Désormais, c’est donc FFB la créancière de
ces prêts. C’est elle que les autres filiales remboursent. En 2006, FFB a
ainsi touché des intérêts pour 325 millions d’euros. Charges déduites, il
lui est resté un bénéfice avant impôts de 253 millions. Joli pour une société
qui compte à peine 1,5 équivalent temps plein.
Normalement, une société paye 34 % d’impôts sur ce bénéfice.
Mais c’est ici qu’interviennent les intérêts notionnels. Ceux-ci sont
calculés sur les fonds propres, donc notamment sur le capital. Or FFB a un
fameux capital. Cela lui a permis de déduire 222 millions d’intérêts
notionnels. « Les impôts ont ainsi pu être limités à 10,6 millions
d’euros, soit 4,2 % du résultat avant impôts », lit-on dans le rapport
annuel. Un taux d’imposition de 4,2 % au lieu des 34 % officiels.
Après impôts, il reste donc à FFB un bénéfice net de
242 millions d’euros. De ce montant, 230 millions ont été distribués au
titre de dividendes à l’actionnaire, Fortis Banque. Cela a donc augmenté de
230 millions le bénéfice de celle-ci. Mais ce montant n’est pas taxable car
il bénéficie du régime des RDT (revenus définitivement taxés). Principe :
la société-mère ne doit pas payer pour des bénéfices qui ont déjà été
taxés dans le chef de sa filiale. Sauf qu’ici, ces bénéfices n’étaient
pratiquement pas taxés à la base. On parlerait donc plus justement de RDNT :
revenus définitivement non taxés…
Marco Van Hees
Publié dans Solidaire le 26 mai 2008
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