Accueil · Fiscalité · Impôt des personnes · Faut-il une nouvelle réforme fiscale ? Faut-il une nouvelle réforme fiscale ?Le ministre des Finances, Didier
Reynders, dit vouloir alléger l'impôt des faibles et moyens revenus. Pour ce
faire, il veut réduire le nombre de taux d'imposition. La bonne méthode ?
On paye trop vite trop d'impôts. C'est l'argument du ministre des Finances
pour justifier son projet de réforme fiscale. Il a entièrement raison.
Aujourd'hui, un salarié commence à payer de l'impôt dès… 623 € brut par
mois. Et celui qui touche un salaire mensuel net de 1 300 € paie pas moins de
4 850 € d'impôts par an.
Ce qui étonne, c'est que Didier Reynders (MR) semble découvrir cette situation
en 2008 alors qu'il pilote les Finances depuis 1999. N'est pas un aveu que sa
réforme fiscale de 2001-2002 a favorisé les plus riches ?
Quoi qu'il en soit, l'accord du gouvernement Leterme I reprend le projet de
Reynders, mais sans les chiffres de celui-ci. Pour y voir clair, reprenons
toutefois ces chiffres.
Primo, le ministre veut faire passer de 6 040 à 7 000 €, la partie de revenu
en dessous de laquelle on ne paie pas du tout d'impôt (la " quotité
exemptée d'impôt ").
Secundo, il réduirait le nombre de taux d'imposition. Comment cela ? Votre
revenu est comme un poireau (voir graphique). La barbe du poireau est la partie
non imposable. Le reste est découpé en cinq tranches. Chacune est taxée à un
taux différent. Exemple : vous gagnez 15 000 euros brut. Vous payerez comme
impôt 25 % de la première tranche + 30 % de la deuxième tranche + 45 % sur la
partie allant de 10 570 à 15 000 €.
Reynders veut fusionner les tranches 1 et 2 ainsi que les tranches 3 et 4. Il ne
resterait alors plus que trois tranches, taxées à 25 %, 40 % et 50 %.
Rien ne change pour ce qui dépasse 32 270 € (le vert du poireau, taxé à 50
%), explique le ministre des Finances. Preuve, selon lui, que la réforme vise
les faibles et moyens revenus. Pourtant, c'est doublement faux.
Souci n ° 1 : un milliard sur trois va aux 10 % les plus riches
Le projet Reynders ne modifie effectivement que le blanc du poireau,
c'est-à-dire les bas et moyen revenu. Mais comparons votre situation (vous
gagnez toujours 15 000 euros par an) à celle de votre directeur, qui touche un
gros salaire, mettons 100 000 euros. Qui de vous deux profitera le plus de cette
réforme fiscale ? Votre directeur ! Car l'entièreté du blanc de son poireau
sera moins taxé.
Les estimations budgétaires fournies par le ministre lui-même (voir tableau)
le confirment. La réforme fiscale coûterait en tout 3 milliards d'euros, mais
1 milliard irait aux 10 % les plus riches de la population. Et la moitié du
cadeau aux 20 % les plus riches.
Souci n° 2 : où prendra-t-on l'argent pour financer la réforme ?
Trois milliards d'euros... Fameux budget ! Comment le gouvernement ferait-il
pour le financer ? En réduisant les dépenses de l'Etat et/ou en augmentant
d'autres taxes.
Les réductions de dépenses se feront au détriment du social (par exemple,
blocage des pensions, frais médicaux moins remboursés, etc.). Quant aux autres
taxes, comme le gouvernement refuse de taxer les sociétés et les capitaux, il
augmentera les taxes sur la consommation (TVA, accises…). Des taxes plus
injustes que l'impôt des personnes physiques puisqu'elles frappent chacun de la
même façon, quel que soit son revenu.
Conclusion : une telle réforme n'augmenterait pas le pouvoir d'achat puisque le
gouvernement reprendrait d'une main ce qu'il donne de l'autre. En augmentant les
injustices au passage.
Faut-il une réforme fiscale, dès lors ? Oui, mais une réforme budgétairement
neutre : qui ne réduise pas les recettes globales de l'impôt des personnes
physiques.
Comment y arriver ? Comme le prône l' " Opération Robin des Bois "
du PTB : en ajoutant des tranches supplémentaires dans le vert du poireau. Des
tranches taxées à des taux supérieurs à 50 %.
Plutôt que qu'une réforme fiscale de trois milliards dont un milliard revient
aux plus riches, on aurait alors une réforme grâce à laquelle les plus riches
payent 2 milliards en plus afin que les moins riches puissent payer 2 milliards
en moins.
Evidemment, cela ne plaira pas à Reynders puisque sa réforme fiscale 2001-2002
a justement consisté à supprimer les tranches supérieures taxées à 52,5 %
et 55 %. Mais si ce ne sont pas les riches qui payent la nouvelle réforme
fiscale, à quoi peut bien servir des baisses d'impôts que la population
repayerait elle-même autrement ? Marco Van Hees
Publié dans Solidaire le 16 avril 2008
Impact budgétaire du projet Reynders
(source : cabinet Reynders)
Décile* |
Revenu
annuel imposable |
Gain
moyen par contribuable |
Budget
(millions€) |
1er |
0
à 7.188 € |
0
€ |
0 |
2e |
7.188
à 10.738 € |
231
€ |
34,83 |
3e |
10.738
à 13.080 € |
304
€ |
58,97 |
4e |
13.080
à 15.863 € |
431
€ |
190,9 |
5e |
15.863
à 18.914 € |
461
€ |
213,99 |
6e |
18.914
à 22.292 € |
627
€ |
335,94 |
7e |
22.292
à 26.958 € |
736
€ |
403,33 |
8e |
26.958
à 34.460 € |
971
€ |
535,17 |
9e |
34.460
à 47.485 € |
1.220
€ |
674,43 |
10e |
plus
de
47.485€ |
1.657
€ |
914,48 |
Total |
|
|
3.362, 04 |
* Chaque décile représente 10% de la population, des moins riches (1er
décile) aux plus riches (10e décile).
|