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Exclusif - Le programme de Reynders qui permet de payer... plus d'impôts

Gros bug sur Tax-Calc, le calcul d’impôts en ligne sur le site du SPF Finances : au lieu d’optimiser la déduction pour votre prêt hypothécaire, il vous fait payer plus.

Décidément, le ministre des Finances, Didier Reynders, ne devait pas être un bon élève en math. On se souvient de cette erreur qui avait surévalué de 800 millions les recettes fiscales. On se rappelle aussi son évaluation du coût des intérêts notionnels, cinq fois plus bas que le coût finalement constaté. Ou encore du prix ridicule auquel il a cédé Fortis à BNP-Paribas. Cette fois, c’est son calcul d’impôts en ligne qui débloque.

Sur le site internet du SPF Finances, le programme Tax-Calc vous permet de procéder anonymement à un calcul d’impôt. En cette période de rentrée des déclarations fiscales, beaucoup de contribuables y ont recours. Non seulement, il permet de connaître à l’avance le montant qui vous sera remboursé ou que vous devez payer au fisc, mais en plus, il vous aide à « optimiser » la déduction sur votre prêt hypothécaire.

En effet, les couples mariés (ou cohabitants légaux) qui ont contracté un emprunt ont le droit de répartir à leur guise, sur chacun des conjoints, le montant de la déduction fiscale.

C’est ce que nous faisons avant de découvrir un gros bug informatique. Pour les revenus 2008, le couple dont nous remplissons la déclaration fiscale peut déduire en tout 2 148,51 euros d’amortissement en capital. De ce montant, combien déclarer chez l’homme (code 1355) et combien chez la femme (code 2355) ? Nous répartissons simplement moitié-moitié, mais Tax-Calc propose une optimisation.

« Compte tenu des données soumises, lit-on à l’écran, il serait plus intéressant de répartir les amortissements en capital et/ou primes d’assurance vie de la manière suivante… » Et le programme de proposer de mettre 1487,94 euros au code 1355 et 660,57 euros au code 2355. « Suite à cette optimisation, ajoute Tax-Calc, vous devriez payer 540,75 euros ».

Evidemment, très heureux de pouvoir bénéficier de cette optimisation censée faire payer moins d’impôts à notre couple d’amis, nous nos apprêtons à remplir la déclaration sur base de ces données. Mais par acquis de conscience, nous faisons un second calcul avec notre première répartition : 1 074,26 euros en 1355 et 1 074,25 euros en code 2355. Et cette fois, nous refusons l’optimisation proposée par le programme.

Ô surprise : sur base de ce seul changement, le montant à payer n’est plus que de 465,62 euros. Soit 75 euros de moins à verser au fisc. L’optimisation proposée par Tax-Calc permet en réalité d’optimiser… votre supplément d’impôts. Intention louable en cette période où le gouvernement ne sait comment boucher un trou budgétaire abyssal, mais quand même…

Nous introduisons alors les mêmes données dans un programme informatique vendu par le privé (en l’occurrence, celui fourni par L’Almanach du contribuable). Celui-ci nous propose une autre optimisation : 1 289,11 euros en code 1355 et 859,40 euros en code 2355. Montant à payer : 465,61 euros. Cette répartition ne nous fait gagner qu’un cent par rapport à la ventilation moitié-moitié, mais au moins, nous ne perdons rien.

Au fait, les contribuables qui remplissent leur déclaration par internet, via Tax-on-Web, ne sont-ils pas victimes d’une erreur similaire ? En tout cas, au service de presse du SPF Finances, on n’est pas au courant d’un tel bug informatique, ni sur Tax-Calc, ni sur Tax-On-Web.

Pour Didier Reynders, qui a fait de la baisse des impôts (en tout cas des impôts directs, car il refuse de baisser la TVA sur l’énergie) son fonds de commerce électoral, voici un bug malvenu.

Bien sûr, le ministre des Finances n’a pas programmé lui-même Tax-Calc. Mais c’est sa (non-) gestion du SPF Finances qui est en cause. Notamment le manque de personnel : ces dernières années, des milliers d’emplois ont été perdus car les départs naturels ne sont pas compensés par des embauches suffisantes. En cause également : le fait qu’une partie du travail de programmation pour le calcul d’impôt a été sous-traité au privé.

Lorsqu’on reproche à Reynders, le manque de moyens mis pour combattre la fraude fiscale – la Belgique est un des pays de l’OCDE où le ratio fraude/PIB est le plus élevé – il évite de répondre et se contente de faire remarquer les progrès qui ont été fait au SPF Finances en matière d’informatisation.

On peut en douter quand on voit les problèmes de saturation qui font qu’à certains moments, Tax-on-Web et Tax-Calc sont indisponibles. Et qu’en plus, l’optimisation proposée fait perdre de l’argent. Mais bon, ces mauvais conseils permettront peut-être de compenser budgétairement les intérêts notionnels et la fraude fiscale…

Marco Van Hees
Publié sur www.solidaire.org le 26 juin 2009


Combien de ménages concernés ?

Le bug que nous avons épinglé fera-t-il beaucoup de victimes ? En tout cas, cette erreur concerne potentiellement beaucoup de déclarations. En effet, en quoi consiste-t-elle ? La déduction fiscale de votre emprunt est limitée est fonction de vos revenus. Mais cette limite s’applique à la somme de deux montants : l’amortissement en capital et les primes d’assurance-vie. Seulement, l’optimisation proposée par Tax-Calc ignore totalement le montant de l’assurance-vie. Le programme base donc son calcul sur une limite supérieure à celle admise légalement. Une faute assez grossière.

Cette erreur doit donc toucher des dizaines de milliers de ménages. Tous, bien sûr, n’ont pas calculé l’optimisation sur Tax-Calc. Et parmi ceux qui l’ont fait, certains ont pu, par acquis de conscience, vérifier l’optimisation proposée en essayant une autre ventilation. Pour les autres, qui ont accordé une confiance exagérée au programme, reste la possibilité d’introduire une réclamation dans les six mois suivant l’envoi de l’avertissement-extrait de rôle. A moins que le ministre demande à l’administration d’appliquer d’office, pour tous les contribuables, une optimisation directement dans le calcul d’impôt. On se demande d’ailleurs pourquoi ce n’est pas le cas : le système actuel profite aux plus débrouillards ou à ceux qui peuvent s’offrir un conseiller fiscal. [M.V.H.]



28.06.2009. 19:36

 

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