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Pour combattre la fraude, compter sur Bernard l’Aveugle ou sur Alain-puissant ?

Communiqué de presse

A la demande de la FGTB, le Dulbea, département de l’ULB, vient de publier une très intéressante étude évaluant la fraude fiscale en Belgique à un montant de 16 à 20 milliards d’euros. Le problème est de savoir à quoi pourrait servir une telle étude avec les partis gouvernementaux sortants.

Côté MR, vous avez l’aveugle Bernard Clerfayt. Commentant le rapport du Dulbea, il se dit «heureux de constater que c'est la première fois que la FGTB adhère à l'idée selon laquelle l'étude Schneider appliquée à la Belgique est irraisonnable, inapplicable à la Belgique. La FGTB défendait pourtant corps et âme, il y a encore quelques mois, que la fraude fiscale s'élevait à 30 milliards d'euros.»

Sans ses problèmes oculaires, Clerfayt aurait lu à la page 48 du rapport que les conclusions de celui-ci sont, au contraire, proches de l’étude Schneider: «Nos évaluations soutiennent l’existence d’une perte en recettes fiscales tournant autour de 16-20 milliards d’euros (soit entre 5 et 6% du PIB) en Belgique. Ces résultas sont loin des 1-1,5% de fraude obtenue par les comptables nationaux mais sont relativement proches des estimations de nombreux chercheurs (ex : Schneider, 2009, Bizeur, 1996 et Lacko, 2000).»

Plus inquiétant, Clerfayt avance que «pour lutter contre la fraude, il faut baisser les impôts». De fait, si par exemple, on réduisait le taux de l’impôt des sociétés à 0%, la fraude fiscale des sociétés serait complètement éradiquée. Mais ici encore, ses problèmes oculaires l’empêchent d’apprécier les conclusions réelles de l’étude. Il aurait en effet pu lire page 38: «On constate que les pays où la pression fiscale est la plus élevée ne sont pas nécessairement ceux où l’économie souterraine est la plus élevée.»

Bref, nous sortons renforcé dans l’idée que nous caressions déjà: jusqu’ici, Bernard Clerfayt a surtout fait fonction de secrétaire d'Etat à la Lutte contre la lutte contre la fraude fiscale.

Côté PS, vous avez l’impuissant Alain Mathot. Pour lui, c’est trop injuste: seules 8 des 108 recommandations de la Commission d’enquête sur la grande fraude fiscale ont été adoptées. «Ce maigre bilan, ajoute-t-il, est à mettre sur le compte de ceux qui avaient en main les départements pour lutter contre la grande fraude fiscale.»

Le problème, c’est que ça fait 22 ans (depuis 1998) que le PS est dans le gouvernement et qu’il affirme que la politique gouvernementale, fortement penchée à droite, est de la faute de ses partenaires: les méchants libéraux, les méchants flamands, quand ce n’était l’affreux ministre des Finances Maystadt, dans les années 1990, privatisant la CGER à l’insu de ses partenaires socialistes.

C’est comme les intérêts notionnels. Alain Mathot n’aurait pas été obligé de déposer d’impuissantes propositions de loi pour réformer cette mesure s’il ne l’avait pas votée en 2005. Aujourd’hui, le tout nouveau programme du PS suggère de supprimer totalement les intérêts notionnels – afin de feindre de rencontrer l’exigence de la FGTB – mais c’est pour les remplacer par d’autres cadeaux aux entreprises. Où peut donc bien être l’intérêt de remplacer Père Noël par Saint-Nicolas?

Pour le PTB, la lutte contre la fraude fiscale et le secret bancaire doit être liée à une taxation plus équitable, comme une Taxe des millionnaires (impôt annuel de 1 à 3% sur les patrimoines de plus d’un million d’euros) ou la suppression totale et sans contrepartie des intérêts notionnels. C’est ainsi que les contribuables ordinaires pourront adhérer à cette lutte.

Pour combattre la fraude, il s’agit aussi de rendre le secteur bancaire public, sachant que les banques sont au cœur des plus grandes affaires de fraude fiscale (KB-Lux, QFIE, sociétés de liquidités…). Or, tant le PS que le MR (à l’instar d’Ecolo et du cdH, d’ailleurs) se refusent de retirer le secteur bancaire des mains d’actionnaires privés assoiffés de profit.

Marco Van Hees

06.06.2010. 07:50