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Que sont devenus les héritiers de la Sabena ?

La Sabena SA a été mise en faillite le 7 novembre 2001, ce qui a eu des conséquences sur l’ensemble du groupe Sabena (plus de 12 000 personnes) et même au-delà. Bilan cinq ans plus tard? Côté bénéfices, ça décolle. Côté personnel, c’est un crash social sur tous les plans : emploi, salaires, conditions de travail, droits syndicaux. Enquête.

En 2001 En 2006
SA Sabena
(7.800 travailleurs) Faillite: 7-11-2001

Département Catering
(repas)

Département Ground Handling
(bagages)

Département Cargo
(marchandises)

Airline
(compagnie aérienne)

LSG Sky Chefs Belgium
(repas)

FlightCare
(bagages)
FlightCare
(marchandises)
SN Brussels Airlines
(compagnie aérienne)
DAT (900 travailleurs) SN Brussels Airlines
Sobelair (400 travailleurs) Faillite: 19-1-2004
Sabena Technics (2.100 travailleurs) Sabena Technics
Snecma Sabena (470 travailleurs) Snecma Services Brussels

LSG Sky Chefs Belgium

Activité : catering (restauration)
Personnel au 31/12/05 : 283 équivalents temps plein
Bénéfice 2005 : 0,8 millions €
Actionnaire : Lufthansa (Allemagne)
Après la faillite de la Sabena, son département catering a été cédé à LSG Sky Chefs (filiale de Lufthansa). «A l’époque Sabena, nous étions jusqu’à 1 200 travailleurs dans les périodes de pointe, en juillet-août, rappelle le délégué Henri Maus. Aujourd’hui, nous sommes moins de 300. Les conditions de travail étaient déjà dures à l’époque, mais c’est devenu encore bien plus dur. On fait trois avions sur le temps qu’il fallait pour en faire un ou deux avant. Il faut dire aussi que les avions restent moins longtemps sur le tarmac.»

A l’époque Sabena, tout le personnel avait le statut d’employé. «Maintenant, nous avons le statut d’ouvrier. La direction peut donc nous licencier plus facilement. Nous sommes aussi passés de la commission paritaire de l’aviation à celle de l’horeca, beaucoup moins favorable. Nous avons obtenu que les ex-Sabéniens gardent leur salaire, mais les nouveaux engagés comment à huit euros de l’heure.» Point positif, le délégué constate que «nous sommes plus soudés entre organisations syndicales qu’à l’époque Sabena.»

SN Brussels Airlines

Activité : compagnie aérienne
Personnel au 31/12/05 : 1 573 équivalents temps plein
Bénéfice 2005 : 11,8 millions €
Actionnaire : SN Air Holding (Belgique)
Après la faillite de la Sabena, le gouvernement belge veut recréer une Sabena bis, mais totalement privée. Le projet est porté par les financiers Etienne Davignon et Maurice Lippens, ce dernier étant un maître ès privatisations (cf. CGER). Ils fédèrent divers acteurs financiers belges qui fondent SN Air Holding, lequel reprend l’ancienne fi- liale Sabena DAT pour donner naissance à SN Brussels Airlines (SNBA) début 2002.

«Dès le départ, précise le permanent LBC Lode Verschingel, Davignon et Lippens ont imposé comme condition sine qua non au démarrage de SNBA, l’adoption de nouvelles - lisez : plus mauvaises - conditions de travail et de salaires.» En 2005, SN Air Holding absorbe Virgin Express, sa concurrente low-cost sur Zaventem. Depuis, les deux compagnies poursuivent leurs activités en parallèle. Elles fusionneront en novembre.

Pour le personnel de SNBA, dont les salaires sont déjà 15 % plus bas qu’à la Sabena, cela risque de constituer une seconde chute, car la situation est (encore) pire chez Virgin. Depuis janvier 2006, il n’y a plus d’embauche chez SNBA et le personnel craint que ce soit pour engager les nouveaux, dès la fusion, aux conditions Virgin.

Sabena Technics

Activité : entretien et réparation des avions
Personnel au 31/12/05 : 1 123 équivalents temps plein
Bénéfice 2005 : 73,3 millions €
Actionnaire : TAT Industries (France)
De novembre 2001 à juillet 2005, cette ancienne filiale de la Sabena va être gérée par la curatelle, jusqu’à sa reprise par le groupe français TAT Industries. «Lorsque Sabena Technics a été filialisée, un peu avant la faillite Sabena, elle a repris une grosse partie des dettes Sabena à son compte, explique le délégué Emile Van Cauwenberghe. Un lourd fardeau. En 2002, une restructuration a liquidé 750 emplois. En 2004, une autre a encore supprimé une centaine de postes. En même temps, la flexibilité du personnel a été augmentée.»

A la reprise par TAT, cela continue: «Il a fallu accepter une réduction salariale de 5 %. Depuis, nous avons enquêté et constaté que nos salaires sont trop bas par rapport aux autres entreprises de l’aéroport. Surtout pour ceux qui commencent.»

Snecma Services Brussels

Activité : maintenance des moteurs d’avion
Personnel au 31/12/05 : 212 équivalents temps plein
Bénéfice 2005 : 44,4 millions €
Actionnaire : Safran (France)
En 1999, Sabena Technics et le groupe français Snecma créent la joint-venture Snecma Sabena Engine Services (SSES). Après la faillite de la Sabena, l’entreprise, rebaptisée Snecma Services Brussels, sera détenue à 100 % par Snecma (qui devient Safran en 2005, également actionnaire de Techspace Aero, à Herstal). De 2001 à 2005, les effectifs ont baissé de 55 %. Le résultat, par contre, est passé d’une perte de 13 millions d’euros à un bénéfice de 44 millions.

FlightCare

Activité : enregistrement et embarquement des bagages et des passagers, nettoyage, cargo...
Personnel au 31/12/05 : 1 190 équivalents temps plein
Bénéfice 2005 : 3,5 millions €
Actionnaire : FCC (Espagne)
Fin 2002, le personnel du département « Ground Handling » de la Sabena est repris par BGS (qui deviendra Flight- Care), filiale de la multinationale FCC. La société compte alors 1 492 personnes, dont 934 disposent d’un contrat à durée indéterminée (CDI) et à temps plein. Fin 2005, il ne sont plus que 710 dans ce cas (224 de moins), sur un effectif total de 1 351 travailleurs.

Ca risque de s’aggraver à l’avenir car depuis trois ans, plus personne n’entre dans l’entreprise avec un vrai contrat (si ce n’est 21 cadres). Les nouveaux engagés doivent attendre deux ans avant d’obtenir un CDI… à 75 %. Mais beaucoup n’ont un CDI que de 50 %, complété par des contrats temporaires de 25 ou 50 %, selon les besoins de l’entreprise. « Va-t-on ou non être renouvelé ? C’est chaque fois le stress, nous confie un travailleur. Pour beaucoup, la question se pose tous les mois ou tous les trois mois. Comment construire une famille dans ces conditions ? Comment s’engager dans l’achat d’une maison ? »

Cette politique constitue aussi une arme de chantage. «Si vous rouspétez ou si vous n’acceptez pas des heures supplémentaires, raconte une travailleuse, on vous retire le contrat temporaire et vous repassez à 50%.»

Le personnel s’est réduit, mais l’activité s’est accrue : le chiffre d’affaires est passé de 91 millions d’euros en 2003 à 102 millions en 2005. Conséquence : les gens crèvent sous le boulot. Sans compter la flexibilité. Les travailleurs reçoivent leur horaire à la dernière minute. Comment organiser sa vie familiale ou sociale dans ces conditions? Et la direction cherche à imposer une annualisation : des heures sup à outrance certaines parties de l’année, à récupérer à d’autres moments. Bonjour les divorces...

Les conditions de travail entraînent aussi beaucoup de maladies et d’accidents. En mai 2006, deux jeunes travailleurs sont tombés d’un élévateur en déchargeant un avion. Il n’étaient que cinq à faire le boulot, contre huit (mieux formés) à l’époque de la Sabena. Le comble, c’est que les deux accidentés n’avaient qu’un contrat à durée déterminée et ont été remercié lorsque le contrat s’est achevé. Comme le dit un travailleur, «c’est jusque dans notre chair que nous sommes pénalisés».

Aviapartner

Activité : enregistrement et embarquement des bagages et passagers, nettoyage, cargo...
Personnel au 31/12/05 : 1 226 équivalents temps plein
Perte 2005 : 10,9 millions €
Actionnaire : 3i (Royaume-Uni)

Prière de laisser vos droits syndicaux dans la soute à bagages

La faillite de la Sabena a été provoquée par la décision du gouvernement belge de laisser la multinationale Swissair aux commandes de la compagnie. Swissair a vampirisé la Sabena. Et après sa faillite, celle-ci a été dépecée par divers groupes privés qui ont dopé leurs bénéfices en s’attaquant à l’emploi, aux salaires, aux conditions de travail des ex-Sabéniens. Une expérience pour les travailleurs des autres entreprises publiques (Poste, SNCB, Tec, Stib, De Lijn...), qui se battent contre la filialisation ou la mise en soustraitance de certaines activités.

Les attaques sociales s’accompagnent logiquement d’attaques contre les droits syndicaux. Une politique consciente des entreprises du secteur, comme le laissait entendre en 2003 l’économiste Eddy Van de Voorde, lors d’une formation à des syndicalistes CSC sur l’avenir de l’aéroport de Zaventem. Sur une dia, l’orateur avait indiqué: «Un aéroport avec une présence syndicale modeste». Vu le public, dira-t-il, il avait corrigé la dia originale, qui mentionnait «Un aéroport sans syndicat».

En 2003, justement, le délégué Bert Verhoogen est licencié par DHL (transport aérien de colis express) parce qu’il défend la garantie d’emploi contenu dans la convention collective.

En 2005, la déléguée CSC Maria Vindevoghel est licenciée par Flight- Care alors qu’elle s’oppose à l’annualisation des heures prestées et dénonce les conditions de travail lors de fortes chaleurs. En février 2006, le tribunal du travail y voit un acte discriminatoire et donne 30 jours à FlightCare pour réintégrer la déléguée. La direction va en appel. La Cour du travail de Bruxelle prononce son arrêt ce 22 novembre.

En mai 2006, FlightCare s’en prend à Corg Kirlan, qui a succédé à Maria Vindevoghel à la tête de la délégation CSC. La direction lance une procédure en justice pour pouvoir lever sa protection syndicale et le licencier.

Les syndicats entendent riposter face à cette dégradation sociale généralisée sur l’aéroport. Le permanent LBC (CSC) Lode Verschingel plaide pour une approche globale inter-entreprises pour toutes les questions d’emploi, de sécurité, de mobilité (nuisances sonores). «Le Comité aéroport CSC que nous avons lancé il y a quelques années a pour nous un rôle moteur. Nous avons aussi soutenu une Commission aéroport regroupant syndicats, patrons et organisations environnementales, qui donne des avis au gouvernement flamand. Pour l’emploi, nous plaidons pour une plateforme permanente à l’échelle de l’aéroport, pour que toutes les offres et demandes d’emploi soient ajustées le mieux possible. C’est une meilleure solution que de créer chaque fois une cellule emploi pour un petit ou grand drame social.»

Quant au licenciement de Maria Vindevoghel, le récent congrès national de la CSC a soutenu la «mise en oeuvre des tous les moyens juridiques et syndicaux pour [sa] réintégration.»

Marco Van Hees
Publié dans Solidaire le 1er novembre 2006

01.09.2008. 23:04

 

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