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Les Mr Propre du logement social ?

Alors que toutes les sociétés wallonnes de logement croulent sous les scandales, le président Di Rupo et le ministre Antoine défendent une autre gestion. Bonne nouvelle pour les locataires?

Chaque semaine, on se demande quelle société wallonne de logement social sera touchée par un nouveau scandale. Une chose est claire: la gestion clientéliste ­ pour ne pas dire maffieuse ­de ces sociétés doit être revue fondamentalement. Mais dans quel sens?

On aperçoit les premiers signes d'une autre gestion dans les mesures décidées par le gouvernement wallon, en particulier son ministre du Logement, André Antoine (cdH). Ou encore dans les changements opérés par Raphaël Pollet, commissaire de la Région wallonne chargé de gérer Toit et Moi(ex-Sorelobo), la société de logement social de Mons, fief d'Elio Di Rupo (PS).

Ces mesures sont typiques de ce que l'on appelle la «nouvelle gestion publique». De plus en plus dominante à l'échelle internationale, elle consiste à appliquer les principes du privé aux organismes publics. Voyons ses principaux ingrédients en matière de logement.

1. La primauté du rendement financier

En septembre, le ministre Antoine a tenu des propos alarmistes à propos des finances des 71 sociétés wallonnes de logement, qui affichent un déficit global de 4,3 millions d'euros. Un montant ridicule comparé, par exemple, au milliard d'euros qu'au même moment, le Plan Marshall octroyait aux entreprises.

Mais des propos typiques de la nouvelle gestion publique, qui se focalise sur la réalisation d'objectifs quantitatifs, en premier lieu financiers. Ainsi, l'accord de gouvernement wallon, signé en 2004 par Di Rupo (PS) et Milquet (Cdh), prévoit «des contrats de gestion entre le pouvoir de tutelle et les sociétés de logement social.» Le ministre Antoine a rapidement intégré ce principe dans le code du logement pour, dit-il, responsabiliser les sociétés de logement.

On connaît déjà l'effet de ces contrats de gestion dans des sociétés comme la SNCB ou la Poste: le gouvernement leur impose de plus en plus de missions dans une enveloppe budgétaire fermée. Cela les oblige à mener des coupes sombres dans le social, aussi bien envers le personnel qu'envers les clients (le terme qui, en nouvelle gestion publique, désigne les usagers).

2. Des top managers à la place des parvenus

Di Rupo en a marre des parvenus. Di Rupo préfère les top-managers. Comme feu son grand ami John Goossens, qui dirigeait Belgacom après sa privatisation par le même Di Rupo. La Poste et la SNCB ont elles aussi déjà hérité de ces top-managers issus du privé et exigeant des salaires mirobolants. Voilà la voie tracée pour les sociétés de logement. En France, des sociétés de HLM sont gérées par des managers ayant Carrefour ou Coca-Cola sur leur curriculum.

En France et dans la ville de Di Rupo,car la société montoise Toit et Moi a déjà son top-manager: Raphaël Pollet y a atterri l'année passée après avoir été éjecté du conseil d'administration de Belgacom (il avait été trop bavard sur l'entrée en Bourse de la société). Son salaire (148.736 euros/an) et sa Volkswagen Phaeton de fonction (75.000 euros) sont mis en cause par des syndicalistes du lieu. Mais ayant bien intégré la nouvelle gestion publique, il répond: «Qu'on me dise que je suis bien payé et je m'en vais ailleurs.» L'affaire prenant de l'ampleur, il finit par démissionner... de la présidence de la Fédération brabançonne du PS. Logique: une fonction politique fait tache à une place où l'on promeut les managers du privé.

Bref, à la place des parvenus puisant dans la caisse en catimini, les sociétés de logement héritent de top-managers qui pompent, officiellement et fièrement, des montants sans doute encore plus importants. Les locataires apprécieront. Le personnel aussi, car Toit et Moi engage désormais surtout du personnel temporaire,

3. La privatisation à tous les étages

Lorsqu'on gère comme dans le privé, la privatisation s'insinue de diverses manières. Il y d'abord la privatisation de certains services: Toit et Moi a cédé au privé une série de tâches d'entretien et de nettoyage, mais aussi le recouvrement des créances. Le locataire n'a donc plus affaire à la société de logement (théoriquement) social, mais à une sorte de banquier sans état d'âme.

Autre forme de privatisation: l'accord du gouvernement wallon envisage des partenariats privé-public pour la construction de logement. A la SNCB, les cheminots ont l'expérience de ces partenariats: la société publique assume les charges, tandis que le privé obtient un rendement garanti.

Privatisation encore: des logements sociaux sont revendus à des particuliers, ce qui réduit le parc public de logements. A terme, ne faut-il pas craindre une privatisation pure et simple de certaines sociétés de logement?

4. Du logement plutôt que du social

Le plus inquiétant dans la nouvelle gestion du logement social, c'est qu'il pourrait cesser d'être social. Le ministre Antoine, appliquant l'accord du gouvernement wallon, entend développer la «mixité sociale»: ouvrir les logements à des plus hauts revenus pour éviter les ghettos de locataires socialement défavorisés. Le but réel, c'est d'augmenter le chiffre d'affaires des sociétés en réduisant le nombre de locataires à bas revenus (qui payent un loyer moins élevé).

D'autant qu'Antoine veut aussi augmenter les loyers à partir de 2007. Pourtant ils ont déjà augmenté plus vite dans le logement social qu'ailleurs: +19,8% de 1996 à 2001 (contre +10,6% pour l'ensemble des loyers). Le ministre prévoit en outre de réformer le bail: il serait à durée déterminée et permettrait de déloger une famille dont la composition change. Pire: au moment où la justice inculpe les dirigeants, le ministre préfère accuser les locataires, qui frauderaient sur les compositions de famille. En clair, il met en place les moyens de se débarrasser d'une partie des locataires, les moins nantis. Ils sont déjà de plus en plus nombreux à vivre dans des garnis, des roulottes, voire dans leur voiture.

Les dirigeants doivent être élus

Faire élire les gérants et administrateurs des sociétés de logement par les locataires et la population.

Donner aux locataires des pouvoirs étendus de contrôle de la gestion.

Limiter le salaire des dirigeants à trois fois celui du plus bas salaire de la société.

Lancer un vaste plan de construction de logements sociaux pour satisfaire rapidement les demandes actuelles (50.000 en Wallonie). Les Pays-Bas comptent 143logements sociaux pour 1.000 habitants, la Belgique 25 pour 1.000.

Marco Van Hees
Publié dans Solidaire 26-10-2005

02.09.2008. 18:42

 

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