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Accueil · Public-privé · Le facteur sonne toujours huit fois Le facteur sonne toujours huit foisLes ministres européens ont tranché:
le courrier ordinaire sera libéralisé le 1er janvier 2011. Que cela
va-t-il changer pour la population?
Le facteur sonne toujours deux fois, dit-on. Mais
sonnera-t-il huit fois en 2011, si quatre entreprises postales se font
concurrence? Imaginez des hordes de facteurs arpentant les rues, les uns
en noir, les autres en rouge, en bleu, en vert. L’un vous dépose la carte de
Tante Sarah, l’autre la facture de gaz, le troisième la déclaration d’impôts,
tandis que le quatrième vous délivre un recommandé. Et quand vous voudrez
envoyer une lettre enflammée à votre amoureux-se, devrez-vous faire attention
de ne pas y coller un timbre bleu en la postant dans une boîte aux lettres
verte?
Tout cela pour dire que l’idée même de libéraliser le
courrier est une aberration typique de la société capitaliste. Mais ce n’est
pas exactement comme cela que ça va se passer. Du moins, pas partout. Les
entreprises postales privées vont se concentrer sur les activités les plus
rentables. Elles vont donc viser les zones fortement peuplées et chercher de
gros clients. Par exemple, distribuer toutes les factures Electrabel dans les
grandes villes du pays. Si vous habitez Ixelles, vous risquez effectivement de
recevoir la carte de la Tante Sarah des mains de votre facteur et la facture de
gaz d’un autre distributeur.
Mais qui s’intéressera à vous si vous habitez à
Trouperdu-lez-Mortecampagne? Pour faire passer la libéralisation,
l’Union européenne a été obligée de garantir le «service universel»
(service minimum), dont se chargera la poste historique. Le facteur continuera
donc à passer cinq jours par semaine dans chaque rue du pays. Et pour assurer
cette activité peu rentable, La Poste pourra recevoir un subside. Mais de qui?
Soit d’un fonds de compensation alimenté par les autres opérateurs, soit de
l’Etat. Chaque gouvernement décide.
En Italie, où le marché postal a déjà été libéralisé,
c’est l’Etat qui paye. Et la facture est élevée puisque, avec la fin de
son monopole, La Poste ne peut plus financer les activités moins rentables par
celles qui le sont plus. En réalité, le contribuable va donc payer pour que
les opérateurs puissent faire de gros bénéfices. Pour la population, le
maintien du monopole est donc la meilleure solution. Maintenant, tout dépendra
des conditions auxquelles seront soumis les candidats privés. Peut-être que
les pays imposant des conditions draconiennes pourront les décourager de s’y
implanter. Le combat n’est donc pas terminé.
Marco Van Hees
Publié dans Solidaire le 10 octobre 2007
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