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Accueil · Public-privé · L'assassinat prémédité de la Sabena L'assassinat prémédité de la SabenaIndustriels européens, Swissair, Etat belge, commission européenne,
financiers tous préparent depuis longtemps la mort de la Sabena. L'occasion
pour certains de ronger les os du cadavre. Petit aperçu chronologique.
1983 · Le
privé entre dans la Sabena |
Nom: Herman Decroo |
Nationalité: belge |
Fonction: ministre des
Communications (1981-88) |
Famille: libéral |
Le ministre Decroo ouvre le capital de
la Sabena à des investisseurs privés. Ceux-ci obtiennent un dividende
fixe de 10% de leur apport pendant 5 ans. Ainsi, bénéficiaire ou en
perte, la compagnie paie 430 millions par an au privé tandis que les prélèvements
sur les salaires dépassent annuellement le milliard. Le 29 décembre
1983, De Croo évoque (déjà) la «suppression pure et simple de la
Sabena»1. |
1985 · libéralisation
du ciel américain |
Nom: Ronald Reagan |
Nationalité: Etats-Unis |
Fonction: Président des
Etats-Unis (1981-89) |
Famille: républicain |
En 1985, Reagan achève officiellement
la déréglementation du secteur aérien aux Etats-Unis, commencée le 24
octobre 1978 avec le démocrate Carter, pour le marché intérieur, avant
le marché international (1980) et les tarifs (1983). Partout, on réduit
l'emploi, les salaires, les lignes pas assez rentables. Et les faillites
vont se multiplier. Sur 178 compagnies qui ont vu le jour entre 1981 et
1989, deux seulement survivront. |
1992 ·
Tentative de vente à Air France |
Nom: Jean-Luc Dehaene |
Nationalité: belge |
Fonction: Premier ministre
(1992-99) |
Famille: social-chrétien |
En 1992, Air France arrive presque à
prendre le contrôle de la Sabena. Bernard Attali, président d'Air
France, raconte: «Lorsque nous avons amarré nos relations au mois
d'avril 1992, nous avons pu le faire pour 37,5% avec, à nos côtés,
quelques grands financiers belges, emmenés par Albert Frère. () Cela ne
fut possible que par le savoir-faire de Pierre Godfroid et la redoutable
habileté manuvrière du Premier ministre Jean-Luc Dehaene. () Je me
souviendrai longtemps de cette soirée extravagante passée en leur
compagnie dans une chambre d'hôtel près de l'aéroport de Luxembourg.»2
Plus tard, Air France sera remplacée par Swissair, Godfroid par Müller,
Dehaene par Verhofstadt, Frère par Lippens et Davignon. |
1993 · Libéralisation
du ciel européen |
Nom: Karel Van Miert |
Nationalité: belge |
Fonction: commissaire européen
aux Transports (1989-92) puis à la Concurrence (1993-2000) |
Famille: socialiste. |
La Commission européenne introduit la
libéralisation du transport aérien au 1er janvier 1993. Sur le modèle
américain. Le parrain en est le commissaire Van Miert. Le but est de
supprimer tout subside aux compagnies, réduire salaires et effectifs,
liquider les compagnies non rentables. Le secteur privé, en mal
d'investissements rentables, veut faire main basse sur le secteur pour
accroître ses bénéfices. Pour cela, et pour concurrencer les
Etats-Unis, les capitalistes européens ne veulent conserver à terme que
trois ou quatre compagnies géantes sur le continent. Bernard Attali, président
d'Air France, reconnaît à l'époque: «Notre secteur est entré dans
un processus meurtrier.»3 |
1995 ·
Swissair prend les commandes |
Nom: Elio Di Rupo |
Nationalité: belge |
Fonction: ministre des
Communications et des Entreprises publiques (1994-1995) |
Famille: socialiste |
Le ministre Di Rupo sable le champagne
pour l'entrée de Swissair dans le capital de la Sabena. Les représentants
de l'Etat, actionnaire majoritaire, sont bien représentés au conseil
d'administration: Haeck (SP), Van Der Stiechele (PRL), Suinen (PS),
Huygebaert (CVP), etc. Pourtant, c'est Swissair qui tient le manche à
balai. La multinationale suisse va mener une véritable politique de «cannibalisation».
Le conseil d'administration «a accepté le transfert de la politique
commerciale et fait de Swissair le point de passage exclusif pour une série
de prestations, note l'avocat d'affaires Wtterwulge. Cela a permis
à Swissair de puiser dans la caisse de la Sabena»4. Un
exemple parmi bien d'autres: les frais de catering (repas) ont augmenté
en un an de 465% alors que les livraisons venaient de Gate Gourmet,
filiale de Swissair. |
1997 ·
Achat des Airbus |
Nom: Paul Reutlinger |
Nationalité: suisse |
Fonction: PDG de la Sabena
(1996-2000) |
Famille: membre de la
direction de Swissair pendant des années |
En 1997, la Sabena dirigée par Paul
Reutlinger passe une commande de 34 Airbus, d'une valeur de 40 à 50
milliards de FB. Pour nombre de spécialistes, dont des membres du
personnel, il s'agit d'une décision suicidaire, une aberration technique
et économique. Mais cela cadre parfaitement dans la stratégie des
multinationales européennes: produire des avions capables de concurrencer
l'américain Boeing, de transporter de 500 à 800 passagers et dont la
version militaire est idéale pour le transport des troupes. Coïncidence:
le trio des multinationales appelées à dominer le ciel européen,
British Airways, Lufthansa, Air France, rappelle étrangement la
Angleterre-Allemagne-France qui dirige la participation européenne à la
guerre en Afghanistan. |
2000 · Müller
remplace Reutlinger |
Nom: Christoph Müller |
Nationalité: allemande |
Fonction: PDG de la Sabena
(2000-2001) |
Famille: lié à SAir Group
(Swissair), Lufthansa, Airbus, Daimler-Benz Aerospace |
En juillet 2000, Christoph Muller
remplace Reutlinger à la tête de la Sabena. Ce dernier Reutlinger a joué
sur la comptabilité pour présenter une compagnie en boni. Il passe chez
AOM, autre filiale de SAir Group, qu'il va mettre en faillite l'année
suivante. Son remplaçant, Müller a déjà travaillé pour Lufthansa,
Airbus et Daimler-Benz Aerospace. Bref, un homme au-dessus de tout soupçon
C'est lui qui élabore le plan BlueSky Selon des syndicalistes suisses,
depuis un an les banques suisses ont préparé à leur profit la faillite
de Swissair et Müller était au courant. |
Juillet 2001
· Nouvel accord avec Swissair |
Nom: Rik Daems |
Nationalité: belge |
Fonction: ministre des
Participations publiques (1999) |
Famille: libéral |
En juillet 2001, le gouvernement belge
signe un nouvel accord avec Swissair, tout en sachant que la
multinationale ne respecte pas ses engagements: n'est-elle pas revenue sur
celui de monter sa participation dans la Sabena à 85%? Ce nouvel accord «exonère
Swissair pour des comportements précisément énumérés comme des
transferts d'actifs illicites de la Sabena vers Swissair»5.
De plus, une source gouvernementale indiquera après la faillite de
Swissair: «Tout le monde se disait que la Sabena avait besoin de 40
milliards de francs et que les 17 milliards prévus étaient dérisoires.
( et que donc aujourd'hui) prétendre que l'on ne s'attendait pas à la défaillance
de Swissair ou à une chute de la Sabena relève de la plus parfaite
hypocrisie.»6 |
Octobre 2001
· Faillite de Swissair |
Nom: Guy Verhofstadt |
Nationalité: belge |
Fonction: Premier ministre
(1999) |
Famille: libéral |
Avec la faillite de Swissair,
l'assassinat de la Sabena est pratiquement à son terme. Le Premier
ministre belge reprend le dossier. Son arme fatale: l'Etat ne peut aider
la Sabena (à part un crédit-pont pour tenir quelques semaines) vu la réglementation
européenne. Mais la Belgique a toujours été une chaude partisane de
cette Europe taillée sur mesure pour les multinationales. Et Verhofstadt
préside l'Union durant ce semestre: il n'envisage en rien de changer de
cap, que du contraire. L'ancien fan de Thatcher va laisser mourir la
compagnie (semi-) publique et offrir les os au privé. Les partenaires
socialistes et écologistes du gouvernement critiquent ses excès de
langage, mais acceptent le principe. |
Novembre
2001 · Faillite de la Sabena |
Nom: Vicomte Etienne
Davignon Comte Maurice Lippens |
Nationalité: belges |
Fonction: Président de la
Société générale Président de Fortis |
Famille: tout le gratin
politico-patronal belge et européen |
Appelé à l'aide par Verhofsatdt,
Lippens et Davignon se mettent à la tête de l'opération de reprise
d'une petite partie des cendres de la Sabena, via sa filiale régionale
DAT. Ils prétendent n'avoir rien à voir avec le passé controversé de
la Sabena. Or, l'ancien bras droit de Lippens est Valère Croes, président
du Conseil d'Administration de la Sabena jusqu'il y a quelques mois. Quant
à Davignon, il connaît très bien Chaffart, successeur de Croes: il était
à la tête de la Générale de Banque au moment du rachat par Suez.
Davignon est aussi l'ancien commissaire européen chargé de restructurer
l'industrie européenne. Et le président du conseil d'administration de
la DAT est Christoph Müller, l'homme de la Lufthansa qui a déjà pillé
la Sabena. On prend les mêmes et on recommence. |
1 www.rtbf.be,
Sabena: petit historique · 2 Bernard Attali, Les guerres du ciel,
Fayard, 1994, p. 139 · 3 Le Monde, 15/12/92 ·4 La Libre
Belgique, 4/10/01 · 5 Le Soir, 3/10/01 · 6 Le Soir,
3/10/01.
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