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Accueil · Pouvoirs · Les riches amis de Van Cau Les riches amis de Van CauBénéficiant de complicités, l'homme
d'affaires Robert Wagner, ami de Van Cau, a gardé des subsides qu'il devait
rembourser. Autre inculpé : le président des
Spirou, club de basket carolo, a aussi reçu de jolis cadeaux de la ville.
A la fin des années 90, la société Charleroi Découpe reçoit
un subside de 34 millions de francs (855000 euros) de la Région wallonne et de
l'Union européenne. Cette entreprise de découpage et soudure de tôles d'acier
a été créée pour l'occasion par Robert Wagner. Dès 2001, l'administration
wallonne constate qu'elle ne remplit plus les conditions en matière d'emploi.
Elle doit donc rembourser le subside. Pourtant, le dossier va être gelé
pendant cinq ans.
L'administration wallonne prévient quatre fois par écrit
l'ancien ministre de l'Economie, Serge Kubla (MR). Mais celui-ci ne bouge pas.
L'hebdomadaire Le Vif-L'Express, qui a dévoilé l'affaire, pose la
question: «Chef du gouvernement wallon à l'époque, souvent sur la même
longueur d'onde que Kubla, Jean-Claude Van Cauwenberghe (PS) s'est-il tenu à l'écart
de ce dossier qui concernait son ami entrepreneur Robert Wagner?»
Il ne s'agit pas du premier passe-droit de ce patron d'un
groupe florissant et d'une société d'investissement cotée en Bourse, actif
dans le transport avant de se lancer dans l'immobilier. Ainsi, au début des années
90, ses sociétés achètent à une intercommunale dirigée par Van Cau de
vastes terrains situés à Gosselies. Pour un très bon prix. Le plan de
secteur, toutefois, ne permet pas d'y construire de centre commercial. Mais
trois jours après l'achat, le gouvernement wallon change l'affection de ces
terrains industriels en zone «artisanale et de service». Aujourd'hui, c'est là
que trône l'imposant centre commercial «City Nord». Une affaire parmi
d'autres liant Wagner et Van Cau...
Faut-il s'en étonner? Toute la politique du gouvernement
wallon, tant sous Van Cau que sous Di Rupo, consiste à faire des cadeaux aux
patrons. Au nom de l'emploi. Ces dirigeants socialistes ont tellement intégré
les principes du capitalisme qu'ils n'imaginent pas une autre façon de créer
de l'emploi. Quand les ouvriers de Splintex font grève pour défendre leur job,
Van Cau y voit une «tâche noire» pour l'image de la Wallonie. Mais il
enclenche la pompe à fric dès qu'un capitaliste comme Wagner inaugure un
vaisseau fantôme.
Car il semble bien que, dès le départ, Charleroi Découpe
n'a créé quedes emplois fantômes. Le Vif-L'Express croit savoir que «du
personnel d'une autre société du groupe Wagner (Charleroi Construction) aurait
été démissionné de force, inscrit auprès d'une agence d'intérim et intégré
un peu plus tard chez Charleroi Découpe». En 2006, quand l'affaire du
subside est mise à l'instruction, Wagner poursuit dans la même veine: il présente
une nouvelle liste du personnel où figure notamment son ex-beau-fils, cadre du
groupe Wagner qui, de l'avis des ouvriers de Charleroi Découpe, n'a jamais mis
les pieds dans l'usine.
La moralité de l'histoire vaut pour Van Cau, mais aussi pour
Di Rupo: quand on passe son temps à baiser les pieds des patrons, faut pas s'étonner
d'attraper leurs mycoses.
Les sommes de Somme tombées dans le
panier?
Parmi les nombreux inculpés de Charleroi, le président des
Spirou, club de basket carolo. Eric Somme est l'un de ces hommes d'affaires choyés
par le PS.
«C'est vrai que la légalité n'a pas été tout à fait
respectée (), mais je ne me sens pas malhonnête ». Inculpé de faux,
usage de faux, détournements de fonds publics et corruption active, Eric Somme
reconnaît certaines charges, mais affirme n'avoir mis le moindre euro en poche.
La juge d'instruction France Baeckeland examine les
mouvements d'argent tournant autour de la Régie autonome de Charleroi (qui gère
les parkings de la ville) et l'asbl Charleroi Infra Sports. Certaines sommes,
assez importantes, n'auraient pas suivi une voie normale. D'autres auraient été
détournées, d'autres auraient simplement disparu. Eric Somme aurait notamment
touché des «commissions-sponsoring» de 12500 ¤ par an, pendant cinq ans. Des
entrepreneurs surfacturaient leurs travaux et le surplus allait dans les caisses
du club.
Pas dans les poches de Somme? Le problème c'est que c'est
plus ou moins pareil puisqu'il détient les sociétés anonymes «Spirou Basket»,
propriétaire du club, et «Spirou Dôme», qui exploite la salle où joue le
club.
Eric Somme est un homme d'affaires, propriétaire de nombreux
restaurants, discothèques et bars. A partir de 1990, il s'intéresse au club de
basket des Spirou. Au sport, sans doute, mais surtout au business qui, pour lui,
y est intimement lié. Sponsoring, marketing, droits télévisés, business
seats: l'accumulation du capital lui permet d'acheter les meilleurs joueurs et
de hisser l'équipe au sommet.
Mais dans cette accumulation de capital, il y a aussi
l'argent du contribuable. Ainsi, les salles des Spirou se succèdent: la Garenne
(2600 places), la Coupole (4000 places), puis le fameux SpirouDôme (6600
places). Un temple sportivo-commercial qui a coûté 14 millions d'euros, dont
11 millions à charge de la ville de Charleroi. La partie horeca est exploitée
par la s.a. Spirou Dome d'Eric Somme, qui y organise aussi des événements et séminaires
d'entreprise. Cette société ne paye que 125000 euros par an pour disposer de
la salle: même pas 1% de sa valeur. C'est comme si vous payiez un loyer mensuel
de 75 euros pour une maison que votre propriétaire a construite pour 100000
euros. Pourtant, ces aides officielles (le club touche aussi des subsides de la
Région wallonne) n'étaient manifestement pas suffisantes
Evidemment, Eric Somme entretient de bonnes relations avec
les politiciens carolos: feu le libéral Etienne Bertrand et la brochette PS Van
Cau, Van Gompel et Despiegeleer, auxquels il fait le bisou à la tribune
d'honneur. Mais le Liégeois Marcourt, ministre wallon de l'Economie catalogué
«nouveau PS» (lire: fidèle à Di Rupo), a lui aussi rendu honneur à l'homme
d'affaires l'année passée. Il l'a ainsi invité à siéger dans le «cercle de
la créativité» créé par le gouvernement wallon. Née dans la foulée du
plan Marshall, cette instance planche sur la créativité d'activités économiques
en Wallonie. On y trouve également des chefs d'entreprise comme Georges Jacobs
(UCB) ou Gilles Samyn, le bras droit d'Albert Frère.
Au fait, le capitaliste carolo, qui a construit sa fortune grâce
aux subsides à la sidérurgie, n'est-il pas le père spirituel des Somme et
autres Wagner(que l'on surnomme d'ailleurs «le petit Albert Frère») ? Frère
a toujours entretenu de très bonnes relations avec les hommes politiques, du
socialiste Claes au libéral Reynders. Il est aussi un chaud partisan du plan
Marshall de Di Rupo. Pourquoi, vous pensiez qu'on amasse une fortune de deux
milliards d'euros en travaillant?
Marco Van Hees
Publié dans Solidaire le 31 mai 2006
Un Van Cau de perdu, Di Rupo
de retrouvé
Dans les scandales à répétition touchant le PS, on
oppose les dinosaures personnifiés par Van Cau aux rénovateurs incarnés par
Di Rupo. Quelles sont les similitudes et les différences? Radiographie.
Jean-Claude Van Cauwenberghe
Président de l'Union socialiste communale de Charleroi, ancien
ministre-président wallon, ancien bourgmestre de Charleroi. |
Elio Di Rupo
Président du PS, ministre-président wallon, bourgmestre empêché
de Mons, ancien ministre fédéral.
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Durant ses cinq années à la tête du gouvernement wallon, Van Cau a
mis en uvre le «Contrat d'avenir» et le «Contrat d'avenir renouvelé».
Principe de base: pour créer de l'emploi, il faut favoriser les
investissements et donc faire des cadeaux aux patrons (subsides, allègements
fiscaux...). Ce qu'il a fait. On lui a toutefois reproché de trop
saupoudrer les aides, de trop tenir compte des sous-régionalismes, de
maintenir une flopée de petites intercommunales comptant pléthore
d'administrateurs. |
Politique
économique
Di Rupo, qui avait déjà conçu le «Plan d'avenir», a élaboré le
«Plan Marshall» l'année passée. L'optique fondamentale est la même:
«Ma priorité absolue, c'est la création d'activités», déclare-t-il.
Mais le plan Marshall concentre les aides sur cinq secteurs stratégiques,
aux bénéfices de multinationales ou de leurs sous-traitants wallons.
Les cadeaux au privé, c'est déjà ce que Di Rupo avait fait comme
ministre fédéral, en privatisant Belgacom et la Sabena ou en libéralisant
une partie des activités postales.
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Du côté
des aéroports
Exemple de la politique de cadeaux au patronat, l'aéroport de
Charleroi, dont il a été président: des subsides à la pelle pour les
compagnies privées (dont Ryanair), des salaires de misère et de la
flexibilité à outrance pour le personnel. Van Cau a cédé la présidence
de l'aéroport à son ami Wagner, homme d'affaires impliqué aujourd'hui
dans plusieurs scandales.
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Du côté
des aéroports
Di Rupo a privatisé la Sabena en la vendant à Swissair. Cette opération
allait garantir l'avenir de la compagnie belge. Tu parles. Guidée par
le profit, Swissair a cannibalisé la Sabena jusqu'à ce qu'elle fasse
faillite. Une partie du personnel a été repris par des compagnies privées,
mais à des conditions de travail et de salaires nettement plus désavantageuses.
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Politique
sociale
Van Cau semble plus se soucier de son projet de Constitution wallonne
(et de sa collection de coqs) que des travailleurs. Quand les chauffeurs
du TEC-Charleroi ont fait grève en 2000, il a menacé de prendre des
mesures contre eux. Ils ternissaient l'image de la Wallonie, selon lui.
En 2005, il a répété que la grève des ouvriers de Splintex était
une «tache noire» pour la Wallonie.
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Politique
sociale
Derrière une démagogie de gauche, la politique du PS dans les
gouvernements successifs depuis 18 ans est au service du patronat. Dont
14 ans avec un Di Rupo ministre ou président du PS. Il a commencé sa
carrière ministérielle à l'Enseignement en supprimant des milliers
d'emplois de prof. Puis, il a inventé la «consolidation stratégique»,
un mot socialistement correct pour privatiser Belgacom.
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Du côté
des sociétés de logement
Les sociétés de logement social sont au cur des scandales du PS.
Celles de Charleroi, comme la Carolo ou le Foyer Marcinellois, étaient
dirigées par des proches de Van Cau. Ils s'en mettaient plein les
poches tandis que les locataires vivent dans des habitations dont l'état
est lamentable. Des habitations dont le nombre est nettement inférieur
aux besoins de la population.
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Du côté
des sociétés de logement
En 2004, Di Rupo a fait le ménage à la société montoise de
logement social. Il a remplacé l'ancien dirigeant par Raphaël Pollet,
un PS nouvelle école. Celui-ci a appliqué les méthodes du privé:
priorité au rendement financier, privatisation des tâches d'entretien,
personnel fixe remplacé par des intérimaires, gros salaires (146736
euros/an) et grosse voiture (75000 euros) pour le top-manager: Pollet
lui-même.
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Fiscalité
communale
L'impôt communal est très lourd à Charleroi, fief de Van Cau: 8%.
La taxe immondice (87 euros par famille) s'ajoute aux sacs-poubelle
payants. Van Cau réduit la fiscalité des entreprises, mais taxe
lourdement les gens.
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Fiscalité
communale
L'impôt communal est très lourd à Mons, commune de Di Rupo: 8%. La
taxe immondice (108 à 139 euros par famille) s'ajoute aux sacs-poubelle
payants. Di Rupo réduit la fiscalité des entreprises, mais taxe
lourdement les gens.
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Liens
avec le monde des affaires
Pour sa politique de cadeaux au patronat, Van Cau a été invité au
Cercle de Lorraine, célèbre cercle patronal. Ami d'hommes d'affaires
louches, comme Wagner, il a beaucoup d'admiration pour le capitaliste
carolo Albert Frère. Ils étaient ensemble à une conférence de presse
sur Wall 21, un panier de 21 actions d'entreprises wallonnes.
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Liens
avec le monde des affaires
Comme Van Cau, Di Rupo est un hôte choyé du Cercle de Lorraine. Il
a été administrateur de la banque Dexia, entretient de bonnes
relations avec des chefs d'entreprise (Paul Buysse, feu John Goossens,
Thomas Spitaels...) et n'hésite pas à organiser une réunion pour
charmer les patrons flamands. Albert Frère admire son Plan Marshall.
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Conclusion
Van Cau n'a rien d'un homme de gauche. Il a érigé en système le
pouvoir d'une clique qui n'a de compte à rendre à personne, qui
pratique le clientélisme, le népotisme, la corruption. Il est au
centre de tous les scandales touchant ses amis politiciens et hommes
d'affaires de Charleroi. Comment le PS peut-il laisser à la présidence
de l'Union socialiste communaleun homme dont tant de proches sont inculpés,
voire en prison? Ceci dit, ces scandales ne sont pas propres au PS, ils
touchent tous les partis appliquant la devise «D'abord le profit, pas
les gens». Les plus touchés sont ceux qui monopolisent le pouvoir
pendant longtemps, comme cela a été le cas du CVP-PSC avant qu'il se
retrouve dans l'opposition.
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Conclusion
Di Rupo veut assurément rénover le PS. Il veut une autre politique
que celle menée (notamment) à Charleroi. Mais pas pour la remplacer
par une politique plus à gauche. Le fondement de son action est de
faire des cadeaux aux patrons, au nom d'un capitalisme dynamique, compétitif.
Comme Van Cau. Mais contrairement à Van Cau, il estime que les
magouilles généralisées sont un frein à une gestion moderne,
efficace. Cela s'inscrit dans ce qu'on nomme la «nouvelle gestion
publique»: gérer les institutions publiques comme on gère les
entreprises privées. Avec des managers plus «cleans», mais qui
touchent des salaires faramineux (cf. La Poste ou la SNCB). Bref, une
gestion efficace pour le profit, mais aussi dramatique pour les gens que
celle des vieux barons socialistes. |
Marco Van Hees
Publié dans Solidaire le 7 juin 2006
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