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Accueil · Pouvoirs · Les rendez-vous galants des politiciens et patrons Les rendez-vous galants des politiciens et patronsSaviez-vous qu'avant Guy Verhofstdadt, c'est Jean-Luc
Interbrew qui était Premier ministre en Belgique? Et avant lui, Wilfried
Philips. Son prédécesseur étant Mark UCB. En fait, si on remonte jusqu'à
1945, on constate que pratiquement tous les Premiers ministres belges ont fait
partie des conseils d'administration de grandes sociétés privées.
Jean-Luc Dehaene (CD&V) a été président du
conseil d'administration de Lernout & Hauspie et est administrateur
d'Interbrew, Domo, Umicore, Telindus, Seghers Better Technology Group et
Corona-Lotus. Cette dernière est présidée par Karel Boone, qui coïncidence
troublante était président de la Fédération des entreprises de Belgique
lorsque Dehaene était Premier ministre.
La liste des mandats privés des ministres des Finances
successifs vaut également son pesant d'argent. Elle contient, parmi bien
d'autres noms, ceux des cinq principales banques du pays: Fortis, KBC, ING,
Dexia et Axa. Et nous qui pensions que dans le titre du ministre, le terme «finances»
désignait les finances publiques...
L'actuel ministre des Finances, Didier Reynders (MR),
a été président de la SEFB Bank, rebaptisée depuis Record Bank et absorbée
par ING. Il a été administrateur du centre de coordination du groupe Carmeuse
(2e producteur mondial de chaux). On comprend que le ministre ne soit
pas partisan de la suppression de ces centres, véritables machines légales à
frauder (pour 2002, Carmeuse Coordination Center a payé 2,12% d'impôts sur un
bénéfice de 16 millions d'euros). Carmeuse est dirigé par Dominique
Collinet, qui a été entre autres administrateur de la BBL (ING) encore
les banques. Reynders a également été administrateur de la Compagnie
Internationale des Wagons-lits à l'époque où elle était présidée par Jean-Pierre
Delaunoit, devenu président d'Axa Holdings Belgium toujours les banques
et bras droit d'Albert Frère (Total, Suez, etc.).
Reynders chez Albert Frère
Le ministre entretient d'ailleurs d'excellentes relations
avec le capitaliste carolo puisque celui-ci l'a invité à déjeuner dans sa résidence
de Marrakech, lors des vacances qu'il passait en famille au Maroc. Reynders a
aussi de bons contacts avec des patrons comme Michel Tilman (ING), Axel
Miller (Dexia) Maurice Lippens (Fortis), Etienne Davignon (Suez),
Claude Desseille (Winterthur) ou Jean-Pierre Hansen (Suez). En
pleine discussion sur l'amnistie fiscale, le ministre a quitté le Parlement
pour rejoindre ce dernier à l'ambassade de France, où il était honoré d'une
légion d'honneur.
La plupart de ces patrons et bien d'autres, Didier Reynders a
l'occasion de les rencontrer au Cercle de Lorraine, dont il est membre. Fondé
en 1998 par le promoteur immobilier Stéphan Jourdain et installé au château
Fond'Roy (Uccle) racheté au dictateur Mobutu, ce cercle privé rassemble le
gratin de la haute finance et des milieux industriels.
Le cercle organise des dîners-conférences qui sont une
autre occasion de rencontre entre patrons et politiciens. Parmi les nombreux
orateurs invités, on notera: Louis Michel (MR), Jacques Simonet (MR),
Rik Daems (VLD), Isabelle Durant (Ecolo), Jean-Claude Van
Cauwenberghe (PS) et autres Elio Di Rupo (PS).
Une patronne au bureau du PS
Ce dernier s'entend d'ailleurs très bien avec Georges
Jacobs (UCB), président du comité d'honneur du Cercle. Il a aussi un bon
contact avec Paul Buysse (Bekaert) et est très proche du fils de Guy «Agusta»
Spitaels, Thomas Spitaels. Celui-ci est administrateur-délégué de TPF,
un des plus gros bureaux d'études de Belgique (500 personnes) et administrateur
de l'Union wallonne des entreprises. C'est lui par exemple qui a mis son ami Di
Rupo en contact avec Philippe Delusinne, administrateur délégué de TVi
S.A. (RTL-TVi, Bel RTL), la radio-télévision d'Albert Frère. Di Rupo côtoie
aussi Edmée De Groeve, directrice de l'usine Sigma-Coatings de Manage,
qui en novembre avait été retenue enfermée par les travailleurs avec cinq
autres directeurs licencieurs. Il la rencontre même toutes les semaines
puisqu'elle est... membre du bureau du PS, l'instance suprême du parti.
Il faut dire que pour ce qui est d'entretenir de bons
contacts avec les capitalistes, les socialistes ne sont pas les derniers. Ainsi,
l'ancien président du parti socialiste flamand, Karel Van Miert, siège
au conseil d'administration d'Agfa-Gevaert et De Persgroep, ainsi qu'au conseil
de surveillance de Philips, Wolters, Goldman Sachs International, Bagemann, Eli
Lily, Guidant, DHV et British-American Tobacco. Evidemment, comme commissaire
européen à la concurrence, Van Miert a occupé une position stratégique pour
les capitalistes. Le bourgmestre d'Anvers Patrick Janssen a lui suivi le
parcours inverse puisqu'il était président de la multinationale de publicité
VVL-BBDO avant de devenir président du parti.
Quant à l'actuel président du SP.a, Steve Stevaert,
s'il n'a été naguère que «patron» de café, il a depuis dû user sa carte
Visa au restaurant du Warande: à l'instar de Guy Verhofstadt (VLD) ou Stefaan
De Clerck (CD&V), il est membre de ce cercle privé créé par le Vlaams
Economisch Verbond et qui accueille les plus influents patrons flamands. Comme Jan
De Clerck (Domo), Jan Huyghebaert (Almanij), Karel Vinck (que
Verhofstadt a nommé à la tête de la SNCB), etc.
Du cabinet à la multinationale
Beaucoup de liens entre politique et capital passent par le
personnel des cabinets ministériels. Ainsi, l'été passé, au moment même où
le ministre Frank Vandebroucke (SP.a) signait un arrêté sur le
remboursement du Zocor au détriment d'autres médicaments anticholestérol, son
attachée de cabinet Ann Peeters était désignée à de hautes fonctions
au sein de la multinationale américaine MSD, qui produit... le Zocor.
Autre exemple, Herman Verwilst, ancien chef de
cabinet de Willy Claes (SP.a), le ministre qui arbitrait les matchs de
tennis d'Albert Frère à Saint-Tropez tout en négociant la reprise par l'Etat
de ses avoirs sidérurgiques à un prix scandaleusement élevé. Verwilst
a fait l'inverse. Bombardé à la direction de la CGER, il y a mené la
privatisation, la banque publique étant reprise à un prix scandaleusement bas
par Fortis. Aujour-d'hui, il est n°2 du groupe.
Le Vlaams Blok aussi entretient d'excellents rapports avec le
patronat. Depuis belle lurette, ses dirigeants, comme Filip Dewinter,
s'empiffrent en compagnie des barons du port d'Anvers dans des restaurants de
luxe comme De Lepelaar. Quand on lui demande qui finance les déjeuners à 500
euros servant à alimenter les caisses électorales du Blok, Dewinter est bien
forcé d'admettre: «Euh... pas les chômeurs, en tout cas. En toute logique,
des gens aussi fortunés ne peuvent être que des chefs d'entreprises et des
hommes d'affaires.»
C'est ainsi qu'on trouve un Freddy Van Gaever,
ex-patron des compagnies aériennes VLM, DAT et VG Airlines, sur les listes du
parti d'extrême droite aux régionales de juin prochain.
Marco Van Hees
Publié dans Solidaire le 3 mars 2004
Sources : Geuens Geoffrey, Tous
pouvoirs confondus, EPO, 2003 et Trends, divers numéros.
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