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Portrait express - Famille Saverys

Pavillons de chasse et pavillons de complaisance. - Voici trois richards pour le prix d’un. Marc, Nicolas et Virginie Saverys ont hérité en 2002 de l’empire que leur père, Philippe Saverys, a constitué dans la navigation… avec l’aide financière de l’État.


Où dormir ?

Cher [plusieurs millions d’euros]

- WAASMUNSTER. Si Marc et Virginie Saverys sont domiciliés à Anvers, où sont implantées les sociétés familiales CMB, Euronav et Exmar, Nicolas habite Waasmunster qui, avec Lathem-St-Martin, est une des communes les plus huppées de Flandre orientale (Jan De Clerck et Peter Blijweert, également dans le top 100 des fortunes, y sont aussi domiciliés). Il occupe, à la biennommé kasteelstraat (rue du château), le château de Sombeke, bâtiment de la renaissance ceinturé de douves à l’intérieur d’un parc privé.

- PROVINCE DU LUXEMBOURG. Marc et Nicolas Saverys, qui appartiennent à la bourgeoisie francophone de Flandre (évitez de prononcer leur nom à la flamande, dites : Saverisse), sont pratiquement voisins le week-end. Le château du premier, à Libin, se trouve à sept kilomètres à vol d’oiseau du château du second, à Libramont (voir « Où chasser le gros gibier »).

- KNOKKE-LE-ZOUTE. Les week-ends où vous ne trouvez pas Marc Saverys dans les forêts ardennaises ou à l’étranger, cherchez-le au Zoute. Sa sœur Virginie est également une habituée de la station balnéaire attitrée du patronat belge.

- A L’ÉTRANGER. Les Saverys possèdent notamment des propriétés en Savoie (à Courchevel, l’une des trois plus prestigieuses stations de ski du monde), en Toscane, au Portugal…


Où chasser le gros gibier ?

Tennis, ski, chasse, golf, voile, plongée en haute mer, vol en hélicoptère… Les Saverys ne pratiquent que des sports démocratiques. Pour tirer le cerf ou le sanglier, Marc et Nicolas ont fait main basse sur une grande partie des bois de la région de Saint-Hubert, capitale de la chasse. Parfois en rachetant des hectares aux communes du coin, quitte à provoquer des coups de gueule de l’opposition.

Dans la région, personne n’a oublié le mariage que Nicolas Saverys y a organisé, il y a une paire d’années, pour une de ses filles. Le prix de la robe a fait les titres de la presse locale. La basilique de Saint-Hubert a été entièrement vidée pour être décorée dans la couleur du jour : chaises banches, tapis blancs, fleurs blanches...

Pour l’occasion, Papa a fait entièrement retaper à l’attention de la mariée une gigantesque ferme-château en ruines sur les hauteurs de la ville. Tous les ouvriers du bâtiment aux alentours, y compris le personnel communal, ont été réquisitionnés pour accomplir ces travaux pharaoniques en quelques semaines. Les innombrables invités pouvaient déambuler sur les chemins du parc, parsemés de lumières bleues. Celles-ci ornaient également l’étang, sur lequel une plateforme transparente avait été fixée.

En 2001, Nicolas Saverys a fait construire pour lui-même le château de Warinsart, perdu au milieu des bois, entre Saint-Hubert et Libramont. Le chemin privé qui y mène, depuis un embranchement presque invisible sur la nationale 86, fait un kilomètre de long. Si vous vous perdez à cet endroit improbable, vous avez des chances d’apercevoir le maître des lieux franchissant la grille avec une caravane de 4x4, partant à la chasse avec des amis.


De haut en bas: la ferme-château que Nicolas Saverys a fait aménager pour sa fille à Saint-Hubert;
le château de Buchay, propriété de Marc Saverys à Libin;
le château de Warinsart que Nicolas Saverys a fait construire au milieu des bois à Libramont.
(Photos Marco Van Hees)

Quelques années plus tôt, son grand frère Marc a acquis le château Buchay, lui aussi plus ou moins en ruines, et son parc de 50 hectares à Libin, ainsi que 700 hectares de bois. Il a fait somptueusement rénover la demeure, y installant par exemple une bibliothèque tout en chêne inspirée des châteaux de la Loire. Il a aussi fait bâtir un pavillon de chasse. Et fait planter quatre charmes centenaires pour la modique somme de 25 000 euros. Pour éviter les bouchons du dimanche soir sur l’autoroute ardennaise, il fait le déplacement en hélicoptère.

Bref, les Saverys sont les nouveaux seigneurs du coin, même si l’on y trouve d’autres fortunes, anciennes ou plus récentes : les Coppée (propriétaires de l’impressionnant château de Roumont), Léon Lhoist (groupe Lhoist), Louis-Marie Piron (groupe Thomas & Piron)…


Où trouver une femme à marier ?

À l’instar des frères Léopold et Maurice Lippens, qui ont épousé deux sœurs d’une famille fortunée, les frères Marc et Nicolas Saverys ont marié les sœurs Catherine et Maria-Patricia Verbeke (dont ils ont tous deux divorcé depuis). Leur père, Philippe Saverys – dont le propre père dirigeait une caisse d’épargne spécialisée dans le financement des bateaux – avait déjà touché le jackpot en mariant l’arrière-arrière-petite-fille de Bernard Boel, l’homme qui fonda les chantiers navals Boelwerf à Tamise sur Escaut (Flandre orientale) en 1829.


Où boire un bon vin ?

Comme le milliardaire carolo Albert Frère, co-propriétaire du château Cheval blanc (premier Grand cru classé de Saint Emilion), Virginie Saverys a investi dans le vin. Elle a cessé de travailler à plein-temps dans les sociétés dirigées par son frère et s’est installé sous le soleil toscan afin de jeter un œil sur le domaine d’Avignonesi, dont elle détient 30 % du capital. Fière de la haute qualité du vino santo (vin liquoreux traditionnel de Toscane) de ce producteur familial, elle annonce : « La seule chose qui nous reste à faire, c’est de rendre cette entreprise rentable . » Chez les Saverys, quand on aime, on compte…


Comment s’enrichir aux dépens de l’État ?

Autre trait commun avec Albert Frère, la manière dont les Saverys se sont enrichis. Si le premier a bénéficié des subsides publics accordés à la sidérurgie, le père des seconds a savouré ceux offerts aux chantiers navals.

Comme Frère, actionnaire à la fois des usines sidérurgiques et des sociétés de commercialisation de l’acier, Philipe Saverys a investi en aval, dans les sociétés clientes des chantiers navals. Tandis que ces derniers (comme la sidérurgie) subissaient d’importantes pertes et d’interminables restructurations, Saverys (comme Frère) pouvaient empocher des bénéfices en aval de la production.

D’autant que l’État subsidiait non seulement les chantiers navals mais aussi leurs clients, les armateurs. Albamo, le holding de la famille Saverys, possédait à côté de Boelwerf, une série d’autres participations dans le secteur, dont 10 % du capital de la CMB (Compagnie maritime belge), dont l’actionnaire principal était la Société générale de Belgique.

Pour chaque navire commandé sur un chantier belge, CMB et les autres armateurs recevaient des prêts pratiquement gratuits de l’État, alors que ce dernier empruntait lui-même ces fonds chèrement sur les marchés financiers. Le bureau McKinsey a calculé qu’à la fin des années 1970, l’État payait ainsi 35 % du coût d’achat d’un bateau par un armateur. Pour obtenir de tels cadeaux, CMB utilisait l’arme du chantage : elle commanderait ses bateaux à l’étranger.

Lorsque Boelwerf a fait faillite en 1992, les Saverys, loin d’être ruinés, ont eu une épine hors du pied. D’autant que les chantiers navals ne représentaient déjà plus que 9 % du portefeuille d’actions d’Almabo en 1990 et à peine 3,4 % en 1991. L’argent public versé pour soutenir la construction navale s’était perdu dans les autres filiales du groupe.

En 1991, les Saverys rachetaient d’ailleurs les 49,45 % du capital de la CMB détenus par le groupe français Suez (repreneur de feu la Société générale). Prix d’achat : 228 millions d’euros. Or, rien qu’en 2004, Marc, Nicolas et Virginie Saverys ont touché ensemble 146,6 millions d’euros de dividendes.

L’État a aussi investi des sommes gigantesques pour développer le port de Zeebrugge dans les années 1970-80. Il est aujourd’hui le deuxième terminal gazier d’Europe. Ce qui profite directement à Exmar, la société de Nicolas Saverys spécialisée dans le transport de gaz à bord de « méthaniers » (l’équivalent des pétroliers pour le gaz).

Vous vous demandez d’où provient l’énorme dette publique de la Belgique ? Jetez un œil sur la fortune des Saverys, Frère, Boël et autres Lippens.


Où entretenir des relations ?

Parmi les différents réseaux dont disposent les richards, le meilleur n’est-il pas simplement la gigantesque toile d’araignée formée par les conseils d’administration ? Ainsi, la CMB – dirigée par Marc Saverys – compte comme administrateurs des personnes aussi influentes qu’Etienne Davignon (qui a été commissaire européen avant de diriger la Société générale, puis Suez) ou Thomas Leysen, président du groupe Umicore (non-ferreux), du groupe de presse Corelio et de la fédération patronale FEB.

Les Saverys sont aussi liés à la famille Boël par l’intermédiaire d’Etienne Davignon, beau-frère de feu le comte Pol Boël, et par le fait que Sofina, holding des Boël, détient une participation dans la CMB.

Exmar – dirigée par Nicolas Saverys – ne manque pas non plus d’illustres administrateurs. Tel Philippe Bodson, autre ancienne étoile de Suez (il dirigeait sa filiale Tractebel). Tel encore Philippe Vlerick, président du groupe textile UCO, dont la famille figure également dans le top 100 des fortunes.

Inversement, Marc Saverys siège au conseil d’administration de GBL, holding d’Albert Frère. Celui-ci est le premier actionnaire de Total. Or, le groupe français est justement client d’Exmar, dont la flotte transporte son gaz.

Leur père, Philippe Saverys, avait été lui-même administrateur d’importantes sociétés : Cobepa, Ibel, Immobel, Atlas Copco Airpower, UCB. Quant au frère de celui-ci, Jacques Saverys, il a été administrateur « indépendant » de Solvay, bien qu’il soit familialement lié aux Nélis, actionnaires historiques descendant de Guillaume Nélis, un des commanditaires qui, au 19e siècle, apporta de l’argent frais à Ernest Solvay pour lancer sa société.

Pour établir des relations, il y a aussi le sport. En particulier le golf. Marc Saverys est membre du Royal Antwerp Golf Club, qu’a longtemps présidé tonton Jacques Saverys.

Dans la sphère politique, relevons que Virginie Saverys est membre d’honneur des étudiants libéraux d’Anvers. Ce qui n’empêche que dans les années 70, son père finançait le PSC-CVP via des dons – chastement dénommé « abonnements » – à son service d’études, le Cepess. Dans leur ouvrage L’argent du PSC-CVP, Peter Franssen et Ludo Martens reproduisent ainsi ce courrier adressé en 1974 à Gaston Geens, alors président du Cepess et futur ministre-président de la Communauté flamande : « Cher Gaston, puis-je vous demander d’envoyer, suivant le régime habituel, une facture à la N.V. Boelwerf, à l’attention de M. Ph. Saverys, pour un abonnement unique d’un montant de 100.000 francs ? Merci d’avance . »

Ceci, finalement, est assez injuste pour la famille socialiste, dont l’ancien ministre des Affaires économiques, Willy Claes, a fait beaucoup pour l’enrichissement des Saverys, en injectant des fonds publics dans les chantiers navals et le port de Zeebruges.


Où pratiquer l’évasion fiscale ?

D’après ses comptes consolidés, Exmar détient 61 filiales, dont 20 belges. Sur les 41 filiales étrangères, 31 sont situées dans des paradis fiscaux : 13 à Hong Kong, 11 au Libéria, 4 à Luxembourg, 1 aux îles vierges britanniques, 1 aux Bermudes et 1 à Chypre.

La situation n’est guère différente pour les sociétés contrôlées par Marc Saverys, CMB et Euronav. Elles détiennent 17 filiales à Hong Kong, 15 au Libéria, 5 aux îles Marshall et 3 au Luxembourg, 2 à Singapour et 1 aux îles vierges britanniques.

Les Saverys contrôlent donc au total 74 filiales paradisiaques. Ludwig Criel , directeur financier de la CMB et depuis toujours homme de confiance de la famille, est même personnellement domicilié à Hong Kong.

Le choix de ces paradis fiscaux ne relève pas du hasard. Le Libéria, les îles Marshall et le Luxembourg sont spécialisés dans les montages financiers pour leasing maritime. Et en nombre de pavillons de complaisance accueillis, le Libéria, Chypre, Singapour, Hong Kong et les îles Marshall arrivent respectivement aux 2e, 6e, 7e, 10e et 11e places mondiales.

Marco Van Hees, avec l’aide de Robert

La fortune des Saverys

Principales participations : CMB (63 % du capital), Euronav (60 %), Exmar (58 %).

Fortune 2009* :

Marc Saverys : 554 millions € (15e du top 100)

Nicolas Saverys : 205 millions € (36e du top 100)

Virginie Saverys : 192 millions € (39e du top 100)

Total : 951 millions €

Evolution 2000-2009 : + 265 %.

Taxe des millionnaires sur cette fortune : 28 344 300 €. De quoi augmenter de 100 € par mois la pension de 23 620 pensionnés.

(*) Estimations du journaliste Ludwig Verduyn.

Généalogie des Boel/Van Damme/Saverys

Bernard Boel (1798-1872),
fondateur des chantiers navals en 1829

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2e génération :
Jozef Boel (1832-1914)

|

3e génération :
Cesar Boel (1868-1941)
Frans Boel (1870-1943)

|

4e génération :
Marie-José Boel (1910-1981) x Georges (ou Joris-August) Van Damme (1907-1986)

|

5e génération :
Jacques Van Damme (1933)
Lucile Van Damme (1934)
Dominique Van Damme (1938-1976)
Marie-Catherine Van Damme (1941)
Jeanne Van Damme (1931) x Philippe Saverys (1930-2002) <--- frère ---> Jacques Saverys

|

6e génération :
Marc Saverys (1954) x div. Catherine Verbeke
x Nadine De Clercq (1950)

Nicolas Saverys (1958) x div. Maria-Patricia Verbeke
x div. Elena Heylen (1964)
x Fatime Hozda (1964)

Virginie Saverys (1960) x div. Philippe Aloy (1949)

08.12.2009. 15:40

 

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