Accueil · Finance · Qui veut perdre des milliards? Qui veut perdre des milliards?
On
connaissait le jeu télé «Qui veut gagner des millions?»
Voici «Qui veut perdre des milliards?» Le
gouvernement flamand gagne cette manche en déboursant deux milliards pour la
banque KBC.
Il
faut un nouveau plan de sauvetage des banques. C’est Didier Reynders qui lance
cet appel le 20 janvier. Il mérite plus que jamais sa réputation de ministre
de la finance puisqu’il fait cette déclaration sans en toucher mot aux
autres membres du gouvernement, pas même le Premier Van Rompuy.
Forcément,
ça gronde au conseil des ministres. Tandis qu’on lui reproche son jeu perso
et sa précipitation, Reynders réplique: « Vous savez, si ma maison
brûle, j’aimerais autant que le commandant des pompiers ne demande pas à des
experts et des procédures avant d’intervenir. »
Le
message est clair. Lorsqu’ils discutent d’une mesure sociale, les
partenaires gouvernementaux pèsent longuement le pour, le contre, le coût, les
conséquences. Mais dès lors qu’il s’agit des banques, il faut signer un chèque
en toute hâte, en fermant les yeux. Le duo Reynders-Leterme avait fonctionné
sur ce mode, on a vu le résultat. Pourtant, Reynders persévère…
Il n’est plus le seul. Prenant de vitesse le fédéral, le gouvernement
de Kris Peeters a trouvé dans le prétexte de l’urgence une occasion rêvée
de franchir une nouvelle étape dans le processus d’autonomisation de la
Flandre. Quel qu’en soit le coût. En l’occurrence: 2 milliards versés
à la KBC (une banque historiquement liée au capitalisme flamand). Plus 1,5
milliard mis à disposition «au cas où».
Les
actionnaires de KBC soignés aux petits oignons
Outre ses implications communautaires, cette aide s’inscrit dans une
double voie inquiétante: «les euros sans le pouvoir» et
«la cata budgétaire sans garantie».
Les euros sans le pouvoir? La différence entre Fortis et KBC saute
aux yeux. Dans la première, où l’actionnariat est très dilué, les
actionnaires ont été littéralement dépouillés par le gouvernement. Mais
pour le profit d’un grand actionnaire: BNP-Paribas.
Dans la seconde, où l’on trouve quelques actionnaires forts,
l’actionnariat est soigné aux petits oignons. Tant la nouvelle aide de la région
flamande que celle du fédéral en octobre (3,5 milliards) sont octroyées sans
obtenir des actions avec droit de vote. Le contribuable crache, mais le privé
reste aux commandes.
Et la direction de KBC ne craint pas de poser ses exigences. Elle a ainsi
refusé l’idée de la Bad Bank (une banque dans laquelle seraient
concentrés tous les actifs toxiques des banques). Pas parce que «cette
Bad Bank est une Bad Idea», comme l’a formulé Peter Mertens, président
du PTB, mais parce que KBC n’y trouve pas d’intérêt… pour elle-même.
La cata budgétaire sans garantie? Il y a six mois, le boss de KBC,
André Bergen, affirmait que la banque était à l’abri de la crise. Depuis,
il a obtenu deux aides publiques. Il prétend pourtant que ça ne coûtera rien
au contribuable. C’est ce que Reynders affirmait également lors du premier
sauvetage de Fortis. Depuis, il a été obligé de revenir sur ses propos.
Le fédéral et les régions ont déjà déboursé 22,4 milliards pour
Fortis, Dexia, Ethias, KBC. Va-t-on continuer à alimenter ce puits sans fond en
laissant aux commandes les assoiffés de profit responsables de la crise. Où
va-t-on enfin envisager de faire des banques un service publicoeuvrant
pour le bien de la population?
Marco Van Hees
Publié dans Solidaire le 29-1-2009.
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