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La BBL (ING) a fraudé l’ONSS pendant trente ans

La banque BBL (que le financier Albert Frère a revendue à ING en 1997) a spolié la sécu pour des milliards de francs belges. Une révélation du journal Vers l’Avenir.

Quelles sont les qualités requises pour être banquier? Etre imaginatif, prendre des risques, ne pas se contenter du confort que procure une voie prudente. On l’avait déjà constaté dans le chef du comte Maurice Lippens, qui a conduit Fortis – son bébé – à la faillite (n’était-ce l’intervention de l’Etat). C’est aussi ce qu’on peut déduire d’une note confidentielle adressée en décembre 1994 à un de ses cousins, le comte André de Kerchove de Denterghem[i], alors directeur de la BBL, par un autre cadre de la banque, Jean Colaut.

Le paiement des «cotisations ONSS aux dépenses les plus exposées à un redressement est évidement la solution la plus confortable», indique ce document. Mais «il s’agit là aussi d’une option peu imaginative et très coûteuse de surcroît». L’auteur penche donc pour poursuivre une fraude «en vigueur depuis de nombreuses années et qui, au total nous a fait bénéficier de quelques milliards [de francs]».

En quoi consistait cette fraude? La BBL a omis de payer des cotisations ONSS sur une flopée de rémunérations: commissions au personnel, primes de logement aux directeurs d’agence, allocation à ces mêmes directeurs quittant leur fonction, dédommagements pour prestations inhabituelles, etc. Montants en jeu? Une autre note, datant de novembre 1994, indique que les cotisations éludées s’élèvent à 214 millions de francs (5,3 millions d’euros) par an. Sans compter les pénalités et intérêts de retard.

Or, le retard n’est pas mince puisque cette pratique datait d’au moins… 1967 et s’est poursuivie jusqu’en 1997. Trente ans de fraude inconfortable mais consciente. Ce qui représente, au bas mot, six milliards de francs (150 millions d’euros) perdus pour la sécu. Perdus, par exemple, pour ces centaines de milliers de pensionnés qui doivent vivre avec une inconfortable pension de moins de mille euros par mois.

Une note confidentielle indique même les peines de prison encourue

Ces pratiques auraient cessé après 1997, quand la BBL a été intégrée au groupe néerlandais ING. Mais les dirigeants au courant de la fraude ont été maintenus dans les nouvelles structures. André de Kerchove de Denterghem est devenu secrétaire général du comité de direction d’ING Belgique. Jean Colaut en est devenu administrateur délégué. Sans oublier Michel Tilmant, ancien administrateur délégué de la BBL et actuel n°1 de l’ensemble du groupe ING.

Difficile, à la lecture de ces documents, de prétendre que la direction n’était pas au courant. D’autant que la note de décembre 1994 révèle que la BBL avait constitué une provision au cas où l’inspection de l’ONSS aurait découvert la fraude.

Quant à la note de novembre 1994, elle va jusqu’à préciser les sanctions civiles et pénales qu’encourent les employeurs qui éludent ces cotisations. Cela va jusqu’à une peine de huit jours à un mois de prison. Les managers savaient donc ce qu’ils risquaient. Vous pensez que Tilmant, ce proche du ministre des Finances Didier Reynders, pourrait faire un petit séjour derrière les barreaux?

Ben oui, quand on reproche à Reynders sa nonchalance active pour lutter contre la fraude fiscale (dont les banques sont les maîtres incontestés), il y a toujours un libéral pour contre-attaquer en dénonçant la «fraude sociale». Sous-entendu: la chômeuse qui se fait passer pour isolée ou qui fait quelques ménages en noir. Eh bien, en voici une belle, de fraude sociale. Ne mérite-t-elle pas des sanctions exemplaires?


[i] Ils partagent le même arrière-arrière-grand-père, Auguste Lippens (1818-1892).

14.01.2009. 22:59

 

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