Accueil · Finance · Commission Fortis : un Reynders au-dessus de tout soupçon Commission Fortis : un Reynders au-dessus de tout soupçonEntendu
par la commission d’enquête parlementaire sur la Fortisgate, Reynders jure
n’avoir pas violé la séparation des pouvoirs. Mais d’autres acteurs du
dossier le contredisent.
« Ni mon chef de cabinet ni moi-même n’avons exercé
aucune pression sur un magistrat, ni eu connaissance préalable du contenu soit
d’un avis, négatif ou positif, du parquet, soit d’une décision rendue par
une juridiction. » Ces propos, Didier Reynders les a martelés dix-huit
fois aux membres de la commission d’enquête parlementaire devant laquelle il
a (finalement) dû s’expliquer, ce 9 mars.
Dix-huit fois: est-ce assez pour transformer des allégations en vérité
? Le ministre des Finances a, en tout cas, gardé sa sérénité habituelle,
d’autant qu’il a pu compter sur la bienveillance des députés de la majorité.
Restent les faits. En voici, non dix-huit, mais six.
1. Reynders contredit par Leterme, D’hont et Van
Walleghem
L’après-midi du 6 novembre, le substitut D’Haeyer va prononcer un réquisitoire
qui s’oppose au plan du gouvernement pour céder Fortis à BNP-Paribas. Mais dès
le matin, le chef de cabinet de Reynders, Olivier Henin, reçoit un coup de téléphone
à l’issue duquel il semble déjà connaître le contenu du réquisitoire.
Henin et Reynders affirment qu’ils ne savaient rien. Mais ils sont
contredits par Yves Leterme et par son chef de cabinet Hans D’hont, qui note
que Henin «a parlé de quelques éléments de l’avis».
L’opposition a demandé une confrontation, mais la majorité a refusé.
Pim Van Walleghem, du cabinet Leterme, indique lui aussi que Henin et
D’hont étaient «inquiets au sujet de signaux qu’ils avaient reçus
concernant l’avis que s’apprêtait à rendre le parquet. »
2.
Ordre
de téléphoner au
subsitut
Van
Walleghem affirme que, ce même 6 novembre, Hans D’hont et Olivier Henin lui
ordonnent de téléphoner à D’Haeyer, qui est son ex-collègue. D’Haeyer
ressentira cet appel (reçu juste avant de prononcer son réquisitoire) comme
une pression. Henin nie avoir donné cet ordre. Et D’hont affirme que lui seul l’a donné à Van Walleghem. Mais
pourquoi ce dernier dit-il autre chose?
3. Menaces de l’avocat de Reynders
Christian Van
Buggenhout est l’avocat de la SFPI, l’organe d’Etat, sous tutelle de
Reynders,qui détient les parts de Fortis. Il était déjà soupçonné
d’avoir fait pression sur la juge De Tandt. Le substitut D’Haeyer
vient d’ajouter un nouveau fait: après qu’il ait prononcé son réquisitoire,
l’avocat lui aurait lancé: «Maintenant nous avons une cible, ce
sera vous. »
4.
Pressions sur les ministres de la Justice
Le
gouvernement, et en particulier Didier Reynders, a exercé de fortes pressions
(sans succès) sur le ministre Vandeurzen, puis sur son successeur De Clerck,
afin qu’ils cassent l’arrêt Fortis sur base de l’article 1088 du Code
judiciaire, qui permet au ministre de la Justice de dénoncer une décision de
justice si les juges ont excédé leur pouvoir.
5.
Appels du cabinet Reynders à l’avocat général
Le
chef de cabinet de Reynders a téléphoné à deux reprises à l’avocat général
Morlet. Henin et Reynders confirment, mais nient toute pression: il aurait
s’agit seulement de connaître l’état d’avancement de la procédure en
appel. Une affirmation qui serait plus convaincante si on ne savait pas que
Morlet et son supérieur de Le Court ont eux-mêmes fait pression pour faire écarter
les magistrats Blondeel et Salmon qui jugeaient l’affaire (et qui ont
finalement donné tort au gouvernement).
6.
Pressions sur la Cour d’appel
Le
même Blondeel a remis une lettre aux membres de la commission parlementaire, ce
9 mars. Il y écrit que l’on a tenté d’empêcher le prononcé de l’arrêt,
dont le contenu était déjà connu des avocats de la SFPI. Le jour où l’arrêt
a été rendu, précise-t-il, il n’avait plus aucun doute quant à
l’existence d’un agenda caché: les avocats de la SFPI ont introduit
une requête en réouverture des débats qui devait servir de prétexte pour
reporter puis empêcher la décision de la Cour d’appel.
Marco Van Hees
Publié dans Solidaire le 10 mars 2009
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