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Bruno Colmant raconte des couilles pour faire remonter les Bourses

Le gourou de Reynders et patron de la Bourse de Bruxelles prône le suicide boursier fiscalement assisté. En pleine crise, il suggère un Monory-Declercq bis. Du nom des déductions fiscales accordées sur achats d’actions dans les années 80.

Si Bruno Colmant n’existait pas, il faudrait l’inventer. Ce prof d’unif et ex-banquier, devenu président d’Euronext Bruxelles après avoir été chef de cabinet du ministre Reynders, ne ménage pas sa peine pour vanter les bienfaits du capitalisme.

Sa dernière idée: créer un nouvel incitant fiscal pour promouvoir le «capital à risque» (les actions). Sur le mode des arrêtés Monory-De Clercq des années 80. S’inspirant des mesures de René Monory en France, l’ancien ministre belge des Finances, Willy De Clercq, avait (notamment) réduit le précompte mobilier pour qui achetait des actions nouvellement créées par une société. Ce qui avait évidemment boosté les placements en Bourse.

À propos, des fiscalistes ont comparé Reynders à De Clercq, pour leur propension à multiplier les cadeaux aux riches et aux entreprises. Le premier a ainsi créé les intérêts notionnels pour remplacer les centres de coordination qu’avait créé le second, mais dont l’Union européenne a exigé le démantèlement. Or, il se dit que c’est Colmant qui aurait soufflé à Reynders l’idée des intérêts notionnels. Dont la dénomination officielle est «déduction pour capital à risque». Bref, la filiation est manifeste. Comme la volonté de sauver Willy et son héritage politico-fiscal.

On comprend que le patron de la Bourse de Bruxelles demande l’aide des contribuables pour faire tourner son «entreprise», alors que le Bel 20, son indice de référence, a plongé de 53,7 % en 2008. Mais justement, quand on voit que des investisseurs qui se croyaient bons pères de famille ont perdu d’un coup toutes leurs économies, est-il bien responsable de les pousser, à nouveau, vers le capital «à risque»?

Colmant ne vous enverra pas un sms la veille du prochain krach

« La Bourse aujourd’hui est basse[i] », indique pourtant Bruno Colmant, suggérant que c’est le bon moment d’y entrer. Bien sûr, vous aurez certainement l’occasion de surfer sur une bulle financière, mais il y a peu de chance pour que le professeur Colmant vous envoie un sms pour vous prévenir la veille du jour où elle pètera. Et ce jour-là, le ministre Reynders répètera, comme il l’a fait dans l’affaire Fortis: «L’actionnaire doit assumer les risques[ii]

Mais bon, Colmant a un gros souci: les gens ne croient plus au capitalisme. Bien sûr, certains y croient encore en théorie. Mais plus en pratique: ils n’osent plus faire des placements en Bourse, c’est-à-dire investir dans des entreprises fondées sur la recherche du profit. Et comme toujours quand les capitalistes ont des soucis, il appelle à l’aide cet Etat qu’ils pourfendent généreusement d’habitude. Un petit subside du contribuable à l’église du profit, pour que la population se remette à y croire et verse son aumône.

Cela dit, le gourou de Reynders soulève aussi un vrai problème. La crise, en réfrigérant l’ardeur des banques à prêter de l’argent, réduit les possibilités de financement des entreprises. D’où l’idée de Colmantde les financer par le biais du capital à risque. Mais nous avons une solution moins risquée. Un système bancaire public, qui ne serait plus basé sur le profit, et qui répondrait rationnellement aux besoins de financement de tous: ménages, entreprises, pouvoirs publics.

Ou alors, plus radical: en finir globalement avec le système capitaliste. Concevoir une société basée sur les besoins des gens plutôt que sur l’accumulation du capital. Mais cela, nous n’osons le suggérer à Colmant. Sa fervente dévotion envers la religion du profit ne mérite-t-elle pas un minimum de respect?

Marco Van Hees
Publié dans Solidaire le 22-1-2009



[i] Le Soir, 14-1-2009.

[ii] L’Echo, 24-10-2008.

26.01.2009. 20:41

 

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