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Banques : les contrôleurs n'ont pas contrôlé

Economistes, hommes politiques, banquiers : ils étaient censé contrôler (ou s'autocontrôler) pour garantir le bon fonctionnement du secteur bancaire. Et pourtant...

Jean-Paul Servais

Président de la Commission bancaire

Licencié en droit et en économie, professeur à l’ULB et ancien auditeur chez KPMG, il est un personnage clé puisqu’il préside la Commission bancaire (CBFA). Cet organisme public autonome compte plus de 400 collaborateurs. Parmi ses fonctions, il y a la protection des consommateurs des banques et assurances. Pourtant, lorsque certaines banques ont appliqué des taux illégaux sur les découverts bancaires, c’est l’association Test-Achats qui a découvert et dénoncé la chose.

Autre fonction (cruciale) de la CBFA : vérifier la solvabilité et la liquidité des banques (ne pas se trouver en défaut de paiement, respectivement à long et à court terme). Pourtant, le 21 septembre, Servais déclarait sur la RTBF que les banques belges n'avaient « aucun problème de solvabilité ni de liquidité ». Alors que le 28 le gouvernement devait intervenir pour sauver Fortis de la faillite.

Ah, on a oublié de vous dire : de 1999 à 2002, Servais a été chef de cabinet-adjoint, puis chef de cabinet de l’homme qui parle à l’oreille des riches banquiers (voir à Didier Reynders).

Maurice Lippens
Président de Fortis

Le comte Maurice Lippens était président du conseil d’administration de Fortis jusqu’à sa démission forcée le 28 septembre. A ce poste, il était censé surveiller la gestion quotidienne de l’administrateur délégué Jean-Paul Votron (démissionnaire dès juillet). Sauf que Lippens a toujours été le grand maître du groupe, qu’il a lui-même créé en 1990 en fusionnant les AG (dont sa famille est actionnaire historique) et Amev. Il est le premier responsable de la chasse au profit qui a conduit Fortis dans les subprimes et le rachat d’ABN-Amro.

Le plus incroyable, c’est que ce comte (en banque) est l’auteur du code de bonne gouvernance des entreprises, plus connu sous l’appellation « code Lippens ». Dont un des principes est : « Tous les administrateurs font preuve d’intégrité. » Intégrité ? La justice enquête aujourd’hui sur les dirigeants de Fortis qui ont délibérément menti en 2007 quant à l’exposition du groupe aux subprimes. On comprend que, pour continuer à faire croire aux capacités d’autorégulation du monde des affaires, certains songent à rebaptiser le code Lippens…

Herman Verwilst

Manager de la CGER puis de Fortis (SP.a)

Éphémère administrateur-délégué de Fortis à la démission de Jean-Paul Votron, Herman Verwilst a été largué dans le monde bancaire par le gouvernement. On pourrait donc voir en lui un gardien de l’intérêt général face à la chasse aux profits des managers privés pur jus. Or, c’est tout le contraire…

Ancien chef de cabinet du socialiste Willy Claes (1988-91) et ex-sénateur coopté par le parti socialiste flamand (1991-92), il arrive en 1993 à la direction de la CGER pour organiser la privatisation de celle-ci. Et, fort de son étiquette socialiste, réduire certaines résistances internes. Lorsque la banque publique est mangée par Fortis, Verwilst devient un proche de Maurice Lippens, qu’il va rejoindre les week-ends à Knokke avec son épouse. Aujourd’hui, avec son parachute doré de 5 millions d’euros, Verwilst pourra payer un verre à celui dont il avait déjà tant étanché la soif de profit.

Didier Reynders

Ministre des Finances (MR)

Comme ministre des Finances, il a la responsabilité du secteur bancaire au sein de gouvernement. De plus, ses anciens chefs de cabinets quadrillent le monde financier belge : Bruno Colmant à la Bourse de Bruxelles, Peter Praet à la Banque nationale, Jean-Paul Servais à la CBFA, Koen Van Loo à la SFPI (holding de l’Etat). Ces trois derniers, ainsi que son actuel chef de cabinet d’Olivier Henin, étaient d’ailleurs tous autour de la table durant les négociations pour sauver Dexia.

Remarquons que Colmant, Praet et Reynders lui-même ont été dirigeants de banque. Et le ministre a toujours défendu bec et ongle le secteur bancaire face aux (nombreuses) critiques qui lui étaient adressées. Le 21 septembre, à Mise au point (RTBF), il comparait le risque de faillite d'une banque belge à « celui que le ciel nous tombe sur la tête ». Sept jours plus tard, il injectait des (nos) milliards pour sauver Fortis de la faillite et la céder peu après à BNP Paribas.

Francis Vermeiren
(et Serge Kubla, Steve Stevaert, Karel De Gucht, Elio Di Rupo, etc.)

Administrateurs de Dexia / Ethias

Parmi les administrateurs de Dexia on trouve des gens comme Francis Vermeiren (Open VLD), bourgmestre de Zaventem, député flamand et président du Holding Communal. Ou Serge Kubla, bourgmestre de Waterloo et ancien ministre wallon. En 2006, ils ont touché respectivement 40 000 et 32 000 euros (pour une dizaine de réunions). Ont siégé précédemment chez Dexia, des gens comme Karel De Gucht (MR) ou Elio Di Rupo (PS). Quant à Steve Stevaert (SP.a), qui préside Ethias, il dit ne rien connaître aux assurances. Vermeiren, par contre, est un ancien inspecteur des assurances et ancien gérant d’un bureau fiscal. À ce titre, il aurait pu dénoncer les affaires de fraude fiscale dans lesquelles a été impliqué Dexia. Mais quand le but premier d’une société est de réaliser le profit maximum, on encaisse sa rémunération et ses dividendes et on ne regarde pas à ce genre de détail. Ni aux investissements à risque.

« Soit incompétents, soit malhonnêtes »

Un haut dirigeant du Mouvement ouvrier chrétien, actionnaire de Dexia via Arcofin, a expliqué qu’au conseil d’administration de la banque, les top-managers étaient sûrs d’eux. Par exemple sur la filiale américaine FSA, impliquée dans les subprimes. Et qu’il était difficile pour les administrateurs de remettre en cause leur vérité. Avec le recul, il constate que ces managers « étaient soit incompétents, soit malhonnêtes ».

Mais n’était-ce pas au nom d’un rendement trop faible que le Crédit Communal (ancêtre de Dexia) et autres banques publiques ont été privatisés dans les années 90 ? Or, si elles n’étaient pas braquées sur le profit, elles jouaient des rôles sociaux et économiques importants, sans être tentées par des investissements à risque. Car finalement, le seul contrôle réaliste d’une banque est de la nationaliser et de lui retirer son permis de chasse au profit.

Le jeu des deux différences

Dans ces extraits de presse du 12 octobre, cherchez les deux différences entre la solution avancée par un dirigeant socialiste et celle d'un dirigeant patronal.

« Répétant sa volonté d'une meilleure régulation du monde économique et d'un contrôle du monde financier, Elio Di Rupo a invité les militants socialistes à rester vigilants. »
(La Libre Belgique, 12-10-2008).

« Rudy Thomaes, l’administrateur délégué de la FEB, s’est dit en faveur d’une “meilleure” régulation, estimant qu’ “il faut changer les règles au niveau européen et accroître les contrôles”. »
(L'Echo, 12-10-2008)

Solution : dans le second extrait, le mot « meilleure » est entre guillemets et le mot « contrôles » est au pluriel.

Marco Van Hees
Publié dans Solidaire le 5-11-2008.

14.01.2009. 21:29

 

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