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Carnets de Mahé (5) - Le ministre des Finances ne veut pas faire de déclaration

Salut les amis, je suis de retour. Qu’ai-je fait pendant ces longs mois? Vous savez bien que j’ai toujours aboyé à gauche contre le libéralisme primaire de mon maître. Ben, il a fini par m’envoyer dans un chenil de redressement politique. À Guantanamo. Et comme ce chenil, c’est la première chose qu’Obama a fait fermer, me revoilà.

Que de surprises, en rentrant! D’abord, d’ordre privé: j’ai tellement manqué à mon Didi qu’il a pris un animal de compagnie virtuel sur l’application «chouchou» de Facebook (non, non, c’est véridique).

Surprise politique, aussi: j’apprends que le Premier ministre et le ministre de la Justice ont démissionné à cause de l’affaire Fortis, mais que mon maître, lui, est toujours en place. Ca, c’est la meilleure! Personnellement, je ne me plains pas car je suis choyée par le cuisinier du cabinet. Mais, bon, soit mon maître est suprêmement intelligent, soit ses rivaux politiques sont des méga-nuls.

Ou alors, il jouit d’une sorte de protection divine. Forcément. Prenez le secret bancaire. Au moment où Fortis (oui: Fortis!) est assigné en justice pour une affaire de fraude fiscale, l’Union européenne appelle l’Autriche, le Luxembourg et la Belgique à mettre fin à leur secret bancaire. Le Luxembourgeois Juncker se dit prêt à négocier. Et que dit mon Didi? «Je ne désire pas faire de déclarationpour l’instant.» C’est tout. Et personne pour lui chercher des poux.

Encore plus fort: la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Fortis. On sait qu’elle pourrait mettre mon maître méchamment dans l’embarras. Et hop, miracle: des experts viennent déclarer que cette commission ne peut entendre le moindre magistrat sous peine de menacer le volet judiciaire de l’affaire.

L’article 33 de la Constitution stipule que «tous les pouvoirs émanent de la nation». Donc du Parlement élu. Logiquement, les parlementaires doivent pouvoir faire la lumière sur une affaire qui a fait tomber un Premier ministre, non? Eh ben, non. Pas question, décrètent les experts, catégoriques. «Les experts ont étouffé la commission dans l’œuf», titre Le Soir. Je ne sais pas si vous saisissez bienle surréalisme: en enquêtant sur une violation de la séparation des pouvoirs, le Parlement risquait de violer la séparation des pouvoirs.

Le plus fort, c’est qu’après une petite discussion à bâtons rompus avec les députés, les experts ont changé d’avis. Ils se sont dit «disposés à revoir leur rapport à la lumière des éclairages apportés par les parlementaires». Voilà donc quatre experts qui viennent avec leur vérité imparable. Le droit, c’est le droit, se dit-on: comment oserait-on remettre les conclusions de ces éminents professeurs d’université? Et nos quatre petits bonhommes se font «éclairer» par quelques parlementaires.

Je me demande, finalement, s’il ne faudrait pas aussi une commission d’enquête sur ces experts. Ils n’auraient pas fait leurs études de droit avec mon Didi, par hasard? Ou plus radical: une commission d’enquête sur la géométrie variable du droit dans le système capitaliste. Mais bon, je ne vais pas dire ça à mon maître, sinon je vais encore me retrouver dans un chenil de redressement…

Carnets retranscrits par Marco Van Hees

17.02.2009. 22:04

 

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