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«Vous n’avez pas besoin d’un boucher à votre journal ?»

S’il y a bien un métier qui n’est pas bouché, c’est... boucher. Mais malgré trois ans d’apprentissage en boucherie, Frank Vandamme reste chômeur...

Franck Vandamme, 26 ans, est chercheur. Chercheur d’emploi. « Pratiquement tous les employeurs de la région ont reçu mon CV », raconte ce père de trois enfants qui habite Quaregnon, près de Mons.

Avec la maçonnerie ou la plomberie, la boucherie fait partie des jobs pour lesquels les employeurs crient à la pénurie dans toutes les langues, y compris le polonais. A 16 ans, Franck a justement entamé un apprentissage en boucherie. Pendant trois ans, il suit un cocktail de cours et de stages. A 19 ans, le voilà sur le marché du travail. Mais durant les six années qui vont suivre, il ne connaîtra pratiquement que le chômage.

«Les petites boucheries ne veulent 4 pas de moi car je n’aurais pas d’expérience», explique-t-il. Pas d’expérience? Après trois ans d’apprentissage? De quoi se poser des questions sur ce type de formation qui est souvent proposé à ceux qui ne s’en sortent pas trop en secondaire.


Alors que Franck Vandamme a fait trois ans d’apprentissage
comme boucher, les boucheries estiment qu’il manque
d’expérience. (Photo Marco Van Hees)

En communauté française, celui qui veut faire la boucherie peut suivre soit un apprentissage, soit l’enseignement professionnel. Le second seulement donne accès à la profession en tant qu’indépendant, car des cours de gestion sont donnés en sixième année. Pour la petite histoire, il y a quelques années, on a supprimé toutes les filières techniques auxquelles ne correspondait aucune formation supérieure. On a donc, notamment, supprimé la filière technique en boucherie. Conséquence : une baisse du niveau de diplôme des bouchers et, donc, des rémunérations.

Mais revenons à Franck. Comme les petites boucheries ne veulent pas de lui, il vise les grandes. Et même la plus grande chaîne du pays, Renmans. Il y décroche presque un contrat, mais à la dernière minute, il est refusé : trop gros! «Dois-je faire une liposuccion pour décrocher un boulot?», s’indigne -t-il. Par la suite, il sera engagé quatre mois comme intérimaire chez Viangros, à Anderlecht. «Un jour, j’ai prévenu la firme d’intérim, Randstadt, que je devais m’absenter parce que ma gamine avait un début de tumeur à l’intestin, heureusement guérie. Randstadt n’a plus voulu de moi.»

Le cas de Franck n’est pas isolé, car, constate-t-il, «la plupart de ceux qui ont fait l’apprentissage avec moi ne travaillent pas en boucherie.» Nous contactons donc le responsable de son ancienne école, le centre IFAPME de Mons. Celui-ci se dit étonné par notre information, mais l’école ne possède aucune donnée sur ce que font les anciens élèves. Ne serait- ce pourtant pas utile pour juger l’efficience des formations?

Début septembre 2006, Frank est pris comme intérimaire à la poste de Mons. Il y restera un mois et demi : «Avec l’entrée en vigueur de Géoroute 2, ils n’ont gardé que cinq des cinquante intérimaires.» Revoilà Frank au chômage. En six ans, il n’aura fait que deux intérims, moins de six mois au total. « Au fait, nous demande-t-il, vous n’engagez pas à votre journal?»

Marco Van Hees
Publié dans Solidaire le 1er novembre 2006

09.09.2008. 15:55

 

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