Accueil · Antisocial · Emploi · Ces libéraux qui aiment la chair de fonctionnaire Ces libéraux qui aiment la chair de fonctionnaireLes fonctionnaires passent-ils leur
temps à jouer au sudoku? Faut-il 250.000 fonctionnaires en moins en
Belgique? Oui, à croire certains libéraux.
Je confesse mon ignorance: jusqu’il y a quelques
jours, j’ignorais totalement ce qu’était le sudoku, ce jeu qui consiste à
remplir de chiffres une grille de 81 cases. Pourtant, étant fonctionnaire au
ministère des Finances (à mi-temps, il est vrai), je devrais en être un
expert. Du moins à en croire Sabine Laruelle (MR), qui a déclaré: «Il
y a moyen d’employer mieux une partie des 33000 fonctionnaires [des
Finances] plutôt que de les laisser jouer au sudoku1.»
Cette déclaration attise aussitôt ma curiosité. Je cherche
donc dans mon entourage professionnel quelqu’un qui peut m’en dire plus sur
le sudoku. Une gentille collègue me procure une grille et m’en explique les règles.
La honte: malgré une concentration extrême, je n’arrive pas à trouver
le moindre chiffre.
Après dix minutes d’efforts intenses et un début de mal
de tête, j’interromps cette activité pour replonger dans mes dossiers
fiscaux. Je vais demander qu’on remplace ma formation sur les intérêts
notionnels par une formation sur le sudoku. Ben oui, si c’est notre activité
principale, autant être bien formé.
«Plutôt que créer 200.000
jobs, liquider 250.000 fonctionnaires»
On sait ce que la petite phrase de Laruelle signifie:
sabrons dans ces effectifs qui passent leurs journées à jouer au sudoku.
Y’en a un qui le dit très clairement, c’est Rudy Aernoudt, secrétaire général
de l’administration flamande, ancien chef des cabinets Moerman (VLD) et Kubla
(MR). Pour lui, «plutôt que créer 200.000 jobs, il faudrait retirer
250.000 fonctionnaires2.»
250.000? Intrigué, j’ai consulté les statistiques
de l’ONSS. Les fonctionnaires, je suppose que ce ne sont pas les enseignants
(déjà trop peu nombreux), ni le personnel d’entreprises comme Belgacom, La
Poste ou la SNCB, largement libéralisées et privatisées. Restent
l’administration publique et l’action sociale (CPAS), qui occupe 228666
fonctionnaires, contractuels compris3. Plus dur qu’une grille de
sudokuclassée «diabolique»: retirer 250.000
travailleurs d’un total de 228.666.
Finalement, ce ne sont que des mots. Par contre, il y en a
qui agissent. Notre actuel informateur Didier Reynders, par exemple. Le SPF
(ministère) Finances, dont il a la charge depuis huit ans, n’engage que trois
personnes pour cinq départs naturels. Depuis 2004, cette politique a liquidé
958 emplois. Et à partir de 2009, le plan du personnel prévoit une embauche
pour deux départs.
Pour en arriver où? Lors d’un débat organisé par
l’Union des classes moyennes, le 21 mai à Liège, Reynders a déclaré que grâce
à l’informatisation, le nombre de fonctionnaires des Finances pourrait être
réduit à 5.000. Sachant qu’il y en a actuellement 31819, cela consiste
à supprimer 5 emplois sur 6.
Quel serait le résultat, outre le massacre social?
Seuls les salariés payeraient encore des impôts en Belgique, puisque pour eux,
la procédure est automatisée. Par contre, il n’y aurait plus le moindre
contrôle fiscal, même sommaire, des indépendants et des entreprises. Et
s’il n’y a plus de contrôle, pourquoi déclarer des revenus imposables?
Marco Van Hees
Publié dans Solidaire le 20 juin 2007
1 Publi Namur, 6 juin 2007. • 2
Trends-Tendances, 7-6-2007. • 3 ONSS, «Brochure beige», chiffres
au 30-6-2006.
Nouveau: le sudoku Reynders

Attention, nouvelles règles. La somme de chaque ligne et de
chaque carré doit être nulle. Lorsque toutes les cases sont remplies,
l’addition des 81 chiffres placés permet de définir la cote du ministre
Reynders pour sa gestion du ministère des Finances. Une gestion que beaucoup de
fonctionnaires des Finances assimilent à un sabotage passif.
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