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Les holdings d’Albert Frère payent moins d’impôts que sa concierge

À l’approche des élections, certains partis parlent de taxer les gains réalisés sur la revente d’actions. Cela représente des milliards d’euros.

D’un côté, une brave concierge qui fait son travail avec zèle. De l’autre, Albert Frère. À la tête de CNP et GBL, il est « le premier investisseur privé de France », le « roi belge » de la Bourse de Paris, selon un récent dossier du journal Le Monde[1]. Qui doit le plus d’impôts : la concierge ou les sociétés du milliardaire carolo ?

Il suffit d’examiner les comptes. Nous ne connaissons pas personnellement la concierge d’Albert Frère, mais imaginons qu’elle touche entre 1 200 et 1 500 euros net par mois. Sur une année, elle paye entre 3 000 et 7 000 euros d’impôts.

La CNP est un peu plus riche. Elle est l’un des deux principaux holdings contrôlés par Frère, une société dont le job est de détenir des actions d’autres sociétés. Les comptes 2005 affichent un bénéfice de 1,48 milliard d’euros. Et un impôt de... 2 880,87 euros. Vous n’êtes pas sûr d’avoir bien lu ? Ah, ce sont les euros qui vous perturbent ? Traduisons : 116 214 francs d’impôts pour un bénéfice de 60 milliards de francs. Un taux de taxation vertigineux : 0,0002 %.

Par quel miracle ? La loi belge. Non seulement la Belgique ne taxe pas les grosses fortunes, mais elle est aussi un des rares pays européens à ne pas taxer les plus-values sur actions, c’est-à-dire les gains réalisés quand vous revendez des actions plus cher que vous ne les avez achetées. Par cette mesure, la CNP a pu exonérer 1 457 millions d’euros. Elle a, en plus, exonéré 30 millions d’euros sur d’autres revenus financiers non taxables. Total : 1,48 milliard. Le compte est bon. Et encore, on a oublié de vous dire que ce holding avait aussi obtenu des régularisations d’impôts qui viennent... augmenter son bénéfice. Pour 58 millions d’euros.

2,5 fois la somme pour rendre les trains gratuits

Pour l’année 2006, l’autre holding de Frère, GBL, fait encore plus fort : un bénéfice avant impôts de 3,056 milliards d’euros[2]. Sur lequel il ne paye pas d’impôt, mais obtient 18 millions d’euros de régularisations fiscales. Ce qui fait un bénéfice net de 3,074 milliards d’euros. Si ce bénéfice était taxé au taux normal de l’impôt des sociétés, un milliard d’euros entreraient dans les caisses de l’État. À titre de comparaison, c’est deux fois et demi le montant nécessaire pour rendre entièrement gratuit tout le trafic voyageurs sur le réseau ferroviaire belge.

À l’approche des élections, certains évoquent une taxation de ces plus-values. La Libre Belgique croit savoir qu’il existe un accord préélectoral VLD-SP.a allant dans ce sens, ce que Verhofstadt a aussitôt démenti. Reynders, ministre des Finances, est aussi farouchement contre.

Par contre la présidente du cdH, Joëlle Milquet, a confié à L’Echo[3] qu’elle se verrait bien taxer les plus-values. Dans quel but ? Pouvoir ramener l’impôt des sociétés de 34 % à 23 %. « Si nous voulons attirer des investissements, nous n’avons pas le choix », défend-elle. Le lendemain, Reynders réagissait dans le même journal : « Mais nous sommes déjà quasiment à ce niveau, si l’on tient compte des intérêts notionnels. »

Taxer les plus-values sur actions ? On ne peut qu’applaudir des deux mains et des deux pieds. Mais on le voit, ce qui turlupine surtout les dirigeants politiques, c’est de continuer à faire des cadeaux aux entreprises au nom d’hypothétiques investissements. La concierge d’Albert Frère, elle, continuera à payer un gros impôt sur son petit salaire...

Marco Van Hees

Publié dans Solidaire, le 14-03-2007



[1] Le Monde, 1-3-2007.

[2] Il s’agit dans les deux cas des comptes non consolidés.

[3] L’Echo, 6-3-2007.

17.07.2008. 20:54

 

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